L'avis de: L'Etagère imaginaire

Attention, The wake est une lecture surprenante, perturbante parfois, tant son schéma narratif est radical. Sans rien dévoiler de l’intrigue je peux dire qu’il y a deux séries dans la série. La première reprend le pitch archi-classique d’Abyss et globalement du concept lovecraftien de l’expédition scientifique en un coin reculé et qui tourne mal. L’appétence de Snyder pour l’horreur est indéniable et l’ambiance graphique d’un Sean Murphy qui détient déjà son style mais reste parfois brouillon dans les noirs, participe pleinement à s’immerger dans les eaux froides et sombres de cette base sous-marine. Assez vite nous rencontrons la créature parmi la fine équipe mal-assortie. Mais après moins de cinquante pages la crise survient, attendue, efficace. La bascule à mi-album, brutale, nous raccroche progressivement à ces mystérieuses visions fugaces du passé, jusque dans l’espace et qui trouveront leur résolution en toute fin d’histoire. Si Snyder est bon dans l’horreur, il l’est moins dans la construction d’univers post-apo, rattachés à une sorte de patriotisme pas forcément passionnant pour un lecteur européen. Car l’irruption de la créature va provoquer un bouleversement qui nous propulse dans le futur en changeant totalement les personnages. C’est gonflé, risqué, et pas forcément pertinent, même si la protagoniste du début reste citée et liée à l’intrigue jusqu’au bout. Le problème de Scott Snyder c’est qu’il aime autant les intrigues tortueuses que les concept WTF. Comme son comparse est aussi bien versé dans les design délirants, la tenue de la première partie vole un peu en éclat dans la seconde où on nous explique certes ce qu’il s’est passé mais on reste un peu trop en surface en nous envoyant à dose métronomique un surgissement fantastique, un engin délirant ou une révélation un peu sortie du chapeau. L’histoire du scénariste est ambitieuse, très ambitieuse (probablement ce qui a séduit le jury du Eisner award), mais comme souvent dans ses albums suivant, il se noie dans son propre bouillon en donnant l’impression de ne trop savoir qu’en faire. Du coup il a tendance à faire tout péter. C’est joyeux, visuel et Sean Murphy peut s’en donner à cœur joie, mais ça reste un peu frustrant en regard de ce qu’il avait lancé. Le point de départ « Abyss » est très bon, l’idée de lier le mythe des sirènes à l’histoire secrète de la Terre originale. Les deux sont cependant mal reliés par des facéties scénaristiques qui se croient fines mais restent par trop cryptiques. Ne soyons pas mauvais joueur, l’ensemble reste une lecture agréable, le style Murphy est déjà là bien qu’il manque un peu de ses joujoux motorisés et l’habillage général très alléchant. Malheureusement le plus important dans une histoire ce n’est pas son début mais son traitement et sa chute. Deux problèmes récurrents chez Scott Snyder.

👍