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Critiques
par Thomas Mourier - le 11/09/2020
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par Thomas Mourier - le 11/09/2020

Constellation(s) de Serge Annequin

Un album qui sort des sentiers battus pour nous inviter à profiter de chaque lecture pour s’interroger, réfléchir et rêver. Loin du désert de la Zone 51, l’auteur installe son récit de science-fiction en Provence, et interroge notre rapport à la réalité du moins ce que nous croyons être la réalité.

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Constellation(s) de Serge Annequin, Paquet 
Sortie août 2020

Constellation(s) de Serge Annequin, Paquet

Si les œuvres sont le reflet de la société, ces derniers mois semblent particulièrement propices à la science-fiction qui questionne notre époque. Que ce soit notre humanité (Carbone & Silicium de Mathieu Bablet), l’écologie (Soon de Thomas Cadène et Benjamin Adam), la mémoire (Préférences Système d’Ugo Bienvenu) ou notre relation au virtuel (Bolchoi Arena de Boulet & Aseyn) nous avons pu lire pas mal d’albums marquants qui s’intéressent avec un regard neuf à ces sujets. Serge Annequin avec Constellation(s) vient compléter ce tableau en interrogeant la réalité, du moins ce que nous croyons être la réalité. 

Loin des champs de maïs des grandes plaines américaines, loin du désert de la Zone 51, l’auteur installe son récit en Provence, à Forcalquier, au milieu des oliviers et des montagnes préalpines. Un cadre qui permet à l’auteur de se démarquer en sortant des clichés et de créer une passerelle avec les écrits de Jean Giono, qui mit en scène ces mêmes décors, dans ses romans aux accents fantastiques & quêtes initiatiques. De cet héritage, Serge Annequin en conserve l’idée d’une nature vivante, mystérieuse et qui invite à regarder au-delà des apparences. Gian passe des vacances chez son oncle pour échapper un peu au foyer d’accueil et profite un peu de la campagne. Mais après une virée en vélo dont il ne garde aucun souvenir, il se retrouve lié à la disparition d’une jeune femme de 22 ans, avec pour seuls indices 3 polaroïds énigmatiques & un peu d’acné. Quelques boutons, en forme de constellation, sur le bras qui inquiètent autant qu’il fascine Gian quand il va s’apercevoir que Luna à les mêmes et qu’ils font référence à quelques dessins, un serpent, un triangle, une croix, que le jeune homme croit avoir déjà vus.

Récit d’apprentissage où les premiers émois se confondent avec cette quête de la réalité, où les adultes donnent à notre héros plus de nouvelles interrogations que de réponses. Initiation, mais aussi révolte pour ces deux jeunes qui se retrouvent à la rencontre de deux mondes, un univers des marges face à un monde bourgeois. À cette dualité classique vient s’ajouter un nouvel élément, celui du 3e type. Si le trou de mémoire et sa rencontre avec Luna est mystérieux, Gian va se retrouver à interroger la réalité même, à travers des gens qui l’entourent, mais aussi à travers l’évocation de grandes œuvres qui questionnent notre perception, de Platon à Claude Monet. 

Constellation(s) de Serge Annequin, Paquet
© Serge Annequin/Paquet

Servies par de belles illustrations pleine page et des dessins oniriques, les planches de cet album mettent en valeur les paysages et participent de cette réflexion sur le réel. Un trait fin qui oscille entre le rendu proche du carnet de voyage et des passages plus iconiques. Pour appuyer ce trait, l’utilisation de la couleur se fait narrative, accompagnant les ambiances & les passages transgressifs, où chaque personnage à ses propres teintes. 

L’auteur joue sur la complémentarité texte-image de la bande dessinée pour nous questionner, en le mettant en relief à travers ces photos qui installent un doute chez Gian, entre ce qu’il a vu, ce qu’il se rappelle et ce qu’il y trouve sur ces clichés. Pour son album Serge Annequin s’est inspiré des travaux de Philippe Guillemant, ingénieur physicien au CNRS qui interroge la perception de la réalité et ce qui touche à la synchronicité. Un album qui sort des sentiers battus pour nous inviter à prendre le temps de sortir la tête de notre quotidien pour observer le ciel ou la nature. Mais aussi de profiter de chaque lecture pour s’interroger, réfléchir et rêver.


Illustration principale © Serge Annequin/Paquet

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