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par Thomas Mourier - le 14/11/2019
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par Thomas Mourier - le 14/11/2019

Pour Noël, soyez un joyeux père Fouettard

Sélection de BD qui parlent avec intelligence de sujets clivants. Car même à la pire des personnes, vous pouvez trouver le meilleur cadeau.

Personne n’y échappe durant les fêtes, chaque repas de famille à son lot de discussions compliquées. Politique, religion, féminisme, écologie… Si chacun à son opinion, on passe bien vite de la fête de famille à la fête aux préjugés. Avec un temps divisé par deux, si vous avez ouvert une bouteille.

Presque toutes les familles ont leurs tontons misogynes, cousin un peu trop bobo ou cette belle-soeur un peu trop facho. Cette année, Bubble vous propose de les aider. De leur offrir une bonne BD qui parle avec intelligence de sujets clivants. Car même à la pire des personnes, vous pouvez trouver le meilleur cadeau. 

💡Top 3 des BD à offrir à ce tonton un peu misogyne 

Ainsi soit Benoîte Groult de Catel, Grasset

Ainsi soit Benoîte Groult de Catel, Grasset

À la fois biographie et témoignage d’amitié, cette bande dessinée donne la parole à Benoîte Groult, autrice, journaliste et grande figure du féminisme.

Catel Muller, dessinatrice à la bibliographie bien remplie s’interroge sur le parcours de la jeune Benoîte et ses premiers engagements politiques. Autrice de biographies fictionnées sur Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker et Olympe de Gouges avec José-Louis Bocquet. Ou plus récemment sa belle adaptation de La Princesse de Clèves avec Claire Bouilhac, l’ œuvre de Catel interroge l’image de la femme et sa place dans notre société à travers des grandes figures. 

Ainsi soit Benoîte Groult est un peu à part dans cette bibliographie, car les deux femmes dialoguent et il s’agit moins d’une bio que d’une rencontre. Une amitié qui sert de point d’appui aux interrogations, réflexions et propositions des deux autrices. 

Les sentiments du Prince Charles de Liv Strömquist, Rackham

Les sentiments du Prince Charles de Liv Strömquist, Rackham

Une bande dessinée documentaire sous forme d’essai sur les modèles masculin-féminin et les constructions sociales. Autrice, animatrice de Tv/radio et journaliste Liv Strömquist travaille depuis quinze ans à déconstruire les représentations du patriarcat et les clichés ancrés dans nos cultures. Et particulièrement dans ses bande dessinées.

La dessinatrice décortique les mécanismes inconscients en matière de relations amoureuses à partir d’exemples de la pop culture, des médias ou de la presse à scandale. Elle livre une analyse documentée de la propagation de la norme “hétérosexuelle monogame” avec un humour féroce. Parlons de l’humour justement, puisqu’elle prend à partie certains comiques américains. Une analyse fine à la lumière de références psychologiques et sociologiques, des propos de Jerry Seinfield, Charlie Sheen, ou Tim Allen. Ou plus loin dans côté people avec Whitney Houston & Bobby Brown, Charlie Chaplin & Oona O’Neill…

Avec beaucoup de malice, le livre s’ouvre sur une phrase énigmatique du Prince Charles. Une déclaration boiteuse sur l’amour, en écho aux liaisons supposées de la princesse Diana. Et tout l’album est dans cette veine, drôle et intelligente. 

Les Crocodiles de Thomas Mathieu & Juliette Boutant, Le Lombard

Les Crocodiles de Thomas Mathieu & Juliette Boutant, Le Lombard

À partir de témoignages et d’histoires vraies recueillies en ligne, cette bande dessinée met en lumière : les femmes victimes de harcèlement, les violences physiques et morales, le sexisme, ou plus généralement la minimisation de ces problèmes. 

Le projet de Thomas Mathieu, rejoint par Juliette Boutant pour le T2, commence sur un blog et offre une voix à celles qui veulent prendre la parole. Le parti-pris de ces planches est de représenter les hommes par des crocodiles alors que les autres personnages (femmes et enfants) ou les décors sont traités de manière réaliste. Tous les hommes sont des crocodiles ? Une approche qui a divisé, souligné par la blogueuse Lauren Plume qui signe une des préfaces du livre. Elle remarque que ce choix graphique donne beaucoup plus de force aux détails et à cette retranscription de la violence ordinaire. Et insiste sur la part inconsciente, conditionnée qui peut exister dans les paroles ou les actes, épargnant peu d’hommes à différents degrés. 

Une initiative très suivie en ligne et dont le prolongement en bande dessinée s’ajoute, sous une autre forme, aux témoignages qui se multiplient depuis le mouvement #metoo. Thomas Mathieu a également illustré Le Féminisme, une BD documentaire de Anne-Charlotte Husson qui explore ces problématiques plus en profondeur dans « la Petite Bédéthèque des Savoirs ».

💡Top 3 des BD à offrir à ce cousin un peu bobo

LookBook d’éric Salch, Fluide Glacial

LookBook d’éric Salch, Fluide Glacial

Un livre qui a démarré sur internet où l’auteur postait de temps en temps des « looks » selon l’actualité. Pastiche de lookbooks utilisés dans la mode, un type de photos valorisant un ensemble de vêtements & d’accessoires. Et à travers eux, un style de vie. Éric Salch s’en empare et en bon caricaturiste, n’épargne personne ou ne s’interdit rien. 

Sa méthode va devenir une référence sur la toile. Copiée, mais jamais égalée, son idée simple de pointer par des flèches les différents éléments du look en y ajoutant des commentaires désobligeants fait mouche. À la manière d’un herbier moderne, il passe en revue les styles et les modes, en pointant là où ça fait mal.
Les bobos, les racailles, les hipsters, les racistes, les politiques… mais aussi les lecteurs de BD : tout le monde en prend pour son grade à grand coup de –> “fils de p****”

Des caricatures intemporelles auxquelles s’ajoutent des allusions au sujet d’actualité. Prépubliés dans Fluide Glacial, ces dessins d’humour auraient eu leur place dans un quotidien tant leur commentaire de notre société est pertinent. C’est drôle, cruel et bien vu.

Bienvenue à BoboLand de Philippe Dupuy & Charles Berbérian, Fluide Glacial

Bienvenue à BoboLand de Philippe Dupuy & Charles Berbérian, Fluide Glacial

Êtes-vous un bobo ? Si vous savez de quoi on parle et que vous répondez non : il y a de grandes chances que vous en soyez un… En fait, les bobo sont parmi nous, ils sont partout. Ce sera l’une des grandes leçons des livres de Dupuy & Berberian. 

Le terme bobo, contraction de bourgeois bohème, désigne plutôt les urbains à la recherche d’authentique. Les intellectuels de gauches aisés, les startupers qui veulent se reconnecter à la terre, les cadres qui ne jurent que par le bio.et l’équitable leur iPhone à la main…
Et mes deux auteurs se mettent dans le même panier pour se livrer à une vraie réflexion dans leurs planches. Il s’agit bien d’un album d’humour, mais pince-sans-rire et malin. Un humour de connivence face aux situations décrites, auxquelles on a déjà tous (trop) assisté. 

Sorti il y a dix ans, cette courte série donne à lire des propos & situations qui sont encore d’actualité. Bienvenue à BoboLand, un guide facétieux pour comprendre notre époque.

Ma vie de Réac de Morgan Navarro, Dargaud

Ma vie de Réac de Morgan Navarro, Dargaud

L’époque n’est pas joyeuse, il suffit d’ouvrir une chaîne d’info pour s’en convaincre. Les débats se font de plus en plus violents et personne ne s’écoute. Pourtant, magie des réseaux sociaux, tout le monde à un avis sur tout. Et surtout le Réac de Morgan Navarro.

Le dessinateur a démarré un blog, Ma vie de réac où il interroge sur notre quotidien à travers l’actualité. Mais également ses propres réactions. Sans entrer dans le débat politique (en faisant référence à un parti ou à un autre) il se place par son attitude, en élément déclencheur de la réflexion. Impossible de rester indifférent ou de ne pas sourire devant ces situations ordinaires d’un monsieur-tout-le-monde qui ne s’interdit rien dans le discours.

Si le personnage se présente comme un français moyen attaché aux valeurs traditionnelles, il joue avec les codes & leur transgression pour mieux nous renvoyer à nos propres interrogations. Exagération ou non, on retrouve le genre de personnage que campait bien Greg dans Achille Talon ou les piliers de comptoirs de Chez Francisque par Yan Lindingre et Manu Larcenet.

Regroupées en 2 albums, ces notes de blog sous forme de bandes dessinées restent assez d’actualité et cernent bien l’hypocrisie ambiante. Le personnage s’amuse des grands discours sur la tolérance, le retour à l’authentique et le vivre ensemble qui s’éclipsent face au confort et à l’argent. Cet anti-héros dit tout haut ce que beaucoup essaient de ne pas penser tout bas laissant le soin au lecteur d’en tirer ses propres conclusions.

💡Top 3 des BD à offrir à cette belle-soeur un peu trop facho 

Persepolis de Marjane Satrapi, L’Association

Persepolis de Marjane Satrapi, L’Association

Raconter l’histoire de l’Iran à travers le regard d’une petite fille est le parti-pris de cette bande dessinée. L’arrivée de la dictature et du fanatisme dans un pays à la culture très riche nous est contée par la jeune de Marjane Satrapi qui comprend que le monde change. Tête brûlée et pleine d’esprit, la narratrice nous fait découvrir un monde inconnu qui semble à la réflexion, pas si éloigné de nous. 

À une époque ou la bande dessinée documentaire était encore marginale, elle se lance dans ce projet autobiographique qui mêle histoire personnelle et l’histoire de ce pays. Politique, religion, traditions, culture populaire… tout est passé au crible et remis en question dans cette société iranienne qui fait table rase de son présent.

Organisée autour de souvenirs thématiques, Persépolis aborde ces sujets à travers les yeux d’une enfant. Un questionnement incessant sur la fin de l’innocence et la fragilité du monde qui nous entoure. La violence ressentie et retranscrite par le personnage de Marjane petite et nous fait ressentir le cauchemar de la dictature qui s’installe. Un récit dur, heureusement contrasté par l’innocence poétique et l’ironie féroce de la jeune fille.

Beaucoup d’humour et d’émotion dans ces planches qui s’ouvrent sur l’enfance en Iran et se terminent à la fin de l’adolescence en France. Best-seller international et phénomène éditorial, cette série a imposé le roman graphique en France comme un genre rentable et incontournable. Elle a ouvert la porte à tout un pan de la bande dessinée contemporaine.

L’Odyssée d’Hakim de Fabien Toulmé, Delcourt

L'Odyssée d'Hakim de Fabien Toulmé, Delcourt

De la Syrie à la France, l’histoire vraie d’Hakim et sa famille met en lumière le terrible parcours des migrants à travers la méditerranée. Et permet au dessinateur Fabien Toulmé  de livrer un témoignage documenté sur les conditions qui entourent cette catastrophe humanitaire en cours. 

Point de départ du livre, en 2015 l’auteur s’étonne du traitement médiatique d’un drame survenu en mer où 400 migrants trouvent la mort. Sans analyse, uniquement sous forme de brève cette info est traitée comme anecdotique.  Fabien Toulmé a cherché à comprendre pourquoi ce peu d’intérêt pour ce drame et ce que vivent ces réfugiés, de leur vie d’avant à leur situation actuelle. Mais également sur la vision des médias en France, les décisions politiques en Europe ou le business des réfugiés…

L’auteur se base sur le récit d’un homme, Hakim, qui a fui Damas et le régime de Bachar Al-Assad pour arriver au Liban puis en Turquie. Il rencontrera sa future femme Najmeh devront à nouveau quitter le pays faute de situation stable pour eux et l’enfant qu’ils attendent. Un parcours qui va continuer jusqu’au passage très compliqué vers la Grèce et l’Europe en passant par la méditerranée. 

Avec ce témoignage mis en image, le dessinateur propose une vue réaliste du contexte actuel sans analyse politique ou effets d’esbroufe. Un cas concret, une suite de souvenirs qui permettent de mieux comprendre la situation, d’évacuer quelques clichés et d’ouvrir la réflexion. 

Prévue en 3 volumes, cette série se place dans la veine du travail de Marjane Satrapi (Persepolis), Guy Delisle (Shenzhen, PyongyangChroniques birmanes, Chroniques de Jérusalem) ou encore Riad Sattouf ( L’Arabe du Futur.) À la fois conversation et travail documentaire, cette bande dessinée aide à mieux comprendre le monde. Une manière de dépasser les préjugés et de réaliser ce qui se joue des deux côtés de l’Europe, humainement et politiquement. 

Le Mari de mon frère de Gengorō Tagame, Akata

Le Mari de mon frère de Gengorō Tagame, Akata

Le mari de mon frère est une courte série qui met à plat les préjugés contre les personnes homosexuelles à travers une histoire de famille attachante. Pour parler de ces sujets sans faire de prosélytisme ou donner de leçons : Gengorō Tagame installe son manga entre comédie « tranche de vie » et introspection. 

Un père et sa fille reçoivent la visite d’un grand Canadien qui se présente à Yaichi comme le mari de son frère jumeau récemment décédé. En arrivant dans leur vie, Mike chamboule le quotidien très réglé de Kana et Yaichi. Ce dernier doit alors combattre ses préjugés et a priori sous forme de monologues intérieurs. Mais aussi grâce à sa fille qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. Si Yaichi est surpris et dépasse très vite ses idées reçues, il se retrouve face au regard des autres et comprend peu à peu la difficulté qu’a eue son frère dans un Japon peu tolérant. La jeune Kana brise le malaise avec beaucoup de simplicité à hauteur d’enfant, permettant à la série d’être accessible à tous. 

Le manga offre plusieurs points de vue et aborde la vision de l’homosexualité au Japon et ailleurs à travers le personnage de Mike. Ce dernier, étranger, attire les regards et questions offrant à l’auteur plusieurs situations pour illustrer son propos. Il propose aussi un regard extérieur sur d’autres personnages vivants différemment leur sexualité au Japon. Une série qui invite à l’ouverture et à la remise en question de nos préjugés d’une culture à l’autre.


Image principale ©  Marjane Satrapi / L’Association

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