Pépite de ces dernières semaines, cet album tranche avec les modes et les genres omniprésents en librairie par son approche technique du dessin mais également par la forme de sa narration. Pour tout ce qui touche à l’art, on cherche l’intensité de la nouveauté ou le plaisir de la redite : un livre totalement nouveau ou un énième album de son auteur favori. Mazzeru relève de la première catégorie : le frisson de l’inconnu.
Récit de vengeance et de sorcellerie, de vendetta et de mazzerisme comme on dit dans le maquis; texte et dessins se croisent et se répondent de manière lointaine quand nous sommes habitués à les lire ensemble. Réalisés en gravure à l’encre de chine, les dessins acérés de Jules Stromboni oscillent entre le réalisme du carnet de voyage et l’onirisme plastique offert par la technique. Effets voulus ou accidents heureux, la gravure ouvre de nouvelles pistes graphiques ainsi qu’une manière différente de penser la composition des planches. La couleur s’invite dans les passages de transe ou dans les dessins techniques des planches de l’herbier qui ouvrent chaque chapitre.
Un conte silencieux au pays de l’omerta sur le passage à l’âge adulte, sur la frontière entre la tradition et le monde moderne. Une belle fable cruelle entrecoupée de poèmes, de monologues introspectifs et de récits de rêves (et de cauchemars). Une histoire d’amour sombre au graphisme somptueux à découvrir cet été.