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par Rémi I. - le 27/07/2020
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par Rémi I. - le 27/07/2020

Manga : les sorties de juin 2020 qu’il ne fallait pas rater

Après un mois de mai léger dû à la reprise d’activité post-confinement, les éditeurs ont proposé de bien belles sorties au mois de juin. Voici notre sélection.

Ce ne sont pas moins de 12 nouveaux titres qui nous ont convaincus en ce mois de juin 2020. Des one-shots, des séries courtes, des séries en cours… aux graphismes, aux tonalités, aux approches, aux thèmes et à la portée extrêmement variés : Nous vous conseillons de prendre le temps de vous y intéresser avant l’afflux chargé de la rentrée !

Retrouvez toutes les sorties BD, comics et manga dans la rubrique Notre oeil sur les sorties. Et venez en discuter avec nous sur les réseaux : FacebookTwitterInstagram.

Sommaire 📰

Le Monde selon Setchan de Tomoko Oshima, Le Lézard noir
Golden sheep de Kaori Ozaki, Delcourt/Tonkam
Animus de Antoine Revoy, IMHO
Act-Age de Tatsuya Matsuki & Shiro Usazaki, Ki-oon
Serii de Takehito Moriizumi, Atelier Akatombo
Transparente de Jun Ogino, Kurokawa
À tes côtés de Megumi Morino, Akata
Shadows House de So-ma-to, Glénat
Second Summer Never see you again de Hirotaka Akagi & Motomi Minamoto, Doki-Doki
Anonyme ! de Chikara Kimizuka & Yen Hioka, Soleil
The Wize Wize Beasts of the Wizarding Wizdoms de Nagabe, Komikku
L’Enfant, le Maudit et le Goûter de Nagabe, Komikku

Le Monde selon Setchan de Tomoko Oshima, Le Lézard noir

Le Monde selon Setchan de Tomoko Oshima, Le Lézard noir

Tomoko Oshima est une illustratrice japonaise et avec ce one-shot, c’est la toute première fois qu’elle se lance dans un manga long. Elle construit une histoire en apparence anodine dans laquelle il faut lire entre les lignes pour en saisir toute la portée et la complexité. Car, derrière son dessin simple et épuré, son récit tranche de vie construit en faux-semblant cache bien des choses.

Son héroïne, Setchan, est une jeune fille atypique. Déconnectée du monde dans lequel elle vit et qui se laisse porter par le quotidien sans que son environnement semble influencer sa vie. Du moins en apparence, car en réalité elle n’est que le témoin d’une société, un marqueur indélébile d’une époque. C’est au travers de son histoire et de ses yeux innocents qu’est vu et décrit le monde violent dans lequel nous vivons.

Poétique, cru, mélancolique, dur, mais jamais sensationnaliste, Le Monde selon Setchan trouve une place entre les œuvres de Kyōko Okazaki et de Keigo Shinzō. Une de ces lectures dont on ne sort pas indemne et qui vivent en nous encore longtemps après la dernière page.


Golden sheep de Kaori Ozaki, Delcourt/Tonkam

Golden sheep de Kaori Ozaki, Delcourt/Tonkam

Kaori Ozaki avait déjà su nous montrer que les tranches de vie et drames lycéens étaient sa spécialité, mais avec le premier tome de Golden sheep elle arrive à nous cueillir par les sentiments comme jamais. Dans celui-ci, on suit Tsugu Miikura, une jeune fille qui retrouve ses amis d’enfance après les avoir quittés 6 ans auparavant. Elle qui croyait que leur bonheur allait vite retrouver le lustre d’antan se trouvera finalement face à des individus qu’elle ne reconnaîtra pas forcément… En même temps, il faut dire qu’il s’en est passé des choses en son absence ! Mais ça, nous le découvrirons en même temps qu’elle.

Car c’est justement là que se trouve toute la force de la mangaka. Sa narration sur le fil, ses nombreux non-dits, sa gestion des révélations et des émotions sont ici totalement au service de son histoire. Elle y développe des histoires cachées, des blessures intimes et un passé jalonné d’incompréhension et d’intimidations. Sa description de ces adolescents en quête de sens, de reconnaissance et d’eux-mêmes est dure, mais plus vraie que nature.


Animus de Antoine Revoy, IMHO

Animus de Antoine Revoy, IMHO

Les disparitions d’enfants s’enchaînent à Kyoto. L’inspecteur Koyasu est sur le dossier, mais rien ne semble mener à la moindre explication pour le moment. Dans le même temps, dans une aire de jeu, deux enfants entrent en contact avec un étrange garçon portant un masque. Commence dès lors une expérience paranormale… et si le lien avec l’enquête ne semble pas évident, c’est dans une ambiance fantastique pleine de suspense et de mystère qu’il s’établira.

Auteur français ayant vécu son enfance entre Paris et Tokyo, Antoine Revoy, globe-trotter parlant 6 langues, est notamment designer, illustrateur, directeur artistique, professeur… et maintenant auteur de bandes dessinées. Avec ce brillant one-shot, il rend un bel hommage au folklore nippon, aux mangas et au Japon en général. Ses dessins et décors très travaillés nous font voyager nous immergent dans une lecture au cours de laquelle il est impossible de ne pas penser à Katsuhiro Ōtomo, à Shigeru Mizuki et à Naoki Urasawa… Et rien que ça, c’est un tour de force !


Act-Age de Tatsuya Matsuki & Shiro Usazaki, Ki-oon

Act-Age de Tatsuya Matsuki & Shiro Usazaki, Ki-oon

Les codes du magazine Shonen Jump sont établis depuis des décennies, et peu de titres se tentent à en jouer pour arriver à les dépasser. C’est par contre ce qu’arrive à faire Act-Age en quelques instants. En imposant une héroïne qui s’épanouit seule dans le cinéma et qui découvre le métier d’actrice, c’est une proposition totalement inédite et réjouissante que nous présentent les deux auteurs. Seule contre elle-même, Kei Yonagi apprend à se connaître et à maîtriser son don d’interprétation basé sur la résurgence de ses propres affects.
On est pris dans son jeu très rapidement. On rigole, on s’implique émotionnellement, on s’attache à cette lycéenne qui élève seule ses frères et sœur et on est de tout cœur avec elle dans sa marche vers la lumière. Ajoutons à cela le dessin à mi-chemin entre shônen et shôjo de la jeune dessinatrice Shiro Usazaki (20 ans seulement au début de la série) et on obtient l’un des titres du Shonen Jump les plus réussis et différents de ses dernières années.


Serii de Takehito Moriizumi, Atelier Akatombo

Serii de Takehito Moriizumi, Atelier Akatombo

Pour leur tout premier manga, c’est un titre totalement à part que nous propose Atelier Akatombo. Déjà il a le droit à une édition très soignée et atypique par rapport à un manga classique : grand format, jaquette transparente et assemblage de papiers de qualité. Mais aussi, il est le fruit du travail de Takehito Moriizumi. Principalement publié dans le Comic Beam, un des rares magazines arty et underground encore en vie au Japon, son approche du manga est toute personnelle. De par son aspect graphique épuré, frêle et hypersensible travaillé à l’encre ou au travers d’outils hétéroclites, mais également grâce à son attrait prégnant pour la littérature.

La littérature est justement au cœur du récit qui occupe la majeure partie de ce one-shot. Dans celui-ci, Serii est une androïde qui vit au côté de Kakeru. Suite à une catastrophe écologique d’ampleur inégalée, tous deux vivent confinés chez eux. Leur quotidien est rempli de petits riens et de (re)lectures. Jouant sur l’économie de moyen, le mangaka arrive à nous interroger sur l’état du monde, la vie, la mort, la robotique, le futur… dans une ambiance douce-amère prégnante. Troublant.


Transparente de Jun Ogino, Kurokawa

Transparente de Jun Ogino, Kurokawa

Aya Kinomiya a un père violent. Sa mère en fait les frais régulièrement. Alors que son frère semble se détourner de la situation en s’en détachant, Aya la vit de plein fouet… Jusqu’au jour où elle se découvre la faculté de devenir invisible. Après avoir expérimenté ce qui lui était possible de faire concrètement avec sa nouvelle capacité, elle décide de changer son quotidien à tout jamais… Suite à cela, Aya tente de continuer à vivre sa vie comme si de rien n’était, mais cet acte à première vue libérateur la mènera-t-elle vers la vie qu’elle espérait ?

Et c’est à ce moment-là que la série prend tout son intérêt… Comment la jeune fille arrivera-t-elle à vivre suite à ce qu’elle a fait ? En essayant d’y aller doucement et sans en faire trop, Jun Ogino parvient à nous intriguer et à nous étonner par la direction que prend son récit. On ne sait pas trop sur quel terrain il va glisser, ni comment il y parviendra, mais dans les deux premiers tomes (sur quatre) il laisse présager qu’il connait exactement le chemin qu’il souhaite nous faire prendre.


À tes côtés de Megumi Morino, Akata

À tes côtés de Megumi Morino, Akata

Hotaru est une lycéenne de 15 ans qui n’a jamais connu l’amour. Alors qu’elle assiste à une scène de rupture, elle croise sur le chemin de retour le garçon qui a été éconduit, atone sur un banc. Elle lui tend instinctivement son parapluie pour l’abriter de la neige. Souhaitant simplement lui apporter un peu de réconfort et d’attention, elle ne s’attendait pas à ce que ce simple geste déclenche une déclaration d’amour de la part du jeune Hananoï.

Derrière ce début un peu abrupt, Megumi Morino arrive à construire une histoire pleine de douceur et de tendresse. Hotaru ne sait pas du tout comment répondre à cette avance alors que tout ce qui a trait à l’amour lui est inconnu. Elle lui demande donc une « période d’essai ». Commence ainsi une relation pleine de petites attentions et d’écoute.

Ce petit couple en devenir est vraiment mignon et construit sa relation à tâtons sous nos yeux. Très attentionné, Hananoï est aux petits soins et éveille celle qu’il aime déjà aux joies du sentiment amoureux. Un duo que l’on prendra assurément plaisir à voir grandir et se connaître !


Shadows House de So-ma-to, Glénat

Shadows House de So-ma-to, Glénat

La famille Shadow vit dans un manoir. Ils ont tous la particularité d’être recouverts d’une suie noire qu’ils répandent de partout et d’avoir chacun leur poupée vivante. Ces dernières ont le rôle d’intendant, mais surtout, elles secondent leur propre maître. En effet, les émotions des Shadow étant totalement imperceptibles à cause de leur aspect charbonneux, les membres de la famille se servent de leur poupée respective afin qu’elles agissent en miroir de leurs états émotionnels.

Glénat a sorti les deux premiers tomes en même temps et on comprend facilement pourquoi. En plus d’une pagination assez faible, le titre met longtemps à réellement démarrer, préférant mettre en place son univers gothique et ses marionnettes quitte à se répéter et déstabiliser. Heureusement, le deuxième tome s’attaque plus précisément au cœur du sujet et nous emmène vers une intrigue plus poussée, prenante et mystérieuse. On ne sait finalement pas encore grand-chose et on referme ce deuxième opus avec l’envie d’en savoir plus sur cette famille, ce manoir et ces poupées si particulières !


Second Summer Never see you again de Hirotaka Akagi & Motomi Minamoto, Doki-Doki

Second Summer Never see you again de Hirotaka Akagi & Motomi Minamoto, Doki-Doki

Tous deux passionnés de musique, Satoshi et Rin forment un groupe dans leur lycée. Mais Rin a trop donné. Elle qui est atteinte d’une malformation cardiaque est hospitalisée d’urgence. Alors qu’elle s’apprête à mourir, Satoshi décide de lui avouer ses sentiments… ce qu’il regrettera par la suite. Mais à sa grande surprise, il est quelque temps plus tard renvoyé dans le passé, au moment de sa première rencontre avec Rin. Il va alors tenter de profiter au maximum de ses instants avec elle et de réparer ce qu’il n’aurait pas dû faire.

Dans cette histoire en deux tomes, ce sont les sentiments de Satoshi qui sont mis à rude épreuve. Revivant le passé une deuxième fois, il tente tout pour essayer que l’irréparable ne se reproduise pas. On le suit dans cette tentative en espérant de tout cœur qu’il y arrivera, car les deux auteurs arrivent en peu de temps à nous faire développer un fort attachement pour leurs personnages.

Sans surprendre réellement, cette tranche de vie douce-amère évoque l’amour, le deuil et l’époque adolescente d’une jolie façon.


Anonyme ! de Chikara Kimizuka & Yen Hioka, Soleil

Anonyme ! de Chikara Kimizuka & Yen Hioka, Soleil

Takashi est un lycéen à qui tout semble sourire. Seulement sa vie va prendre un tournant inattendu le jour où il découvrira qu’une de ses camarades de classe est violée par un de ses professeurs. Son sang ne fait qu’un tour et de rage il tue le coupable. Sa vie bascule, d’autant plus qu’il ment sur le mobile de ses actes de manière à protéger son amie Sasaki. Une fois sa peine purgée, il arrive dans un lycée sous un nouveau nom, mais comme il le découvrira sans tarder, il restera un meurtrier aux yeux de la société.

Cette histoire arrive à capter notre attention, car elle touche un individu lambda, qui n’aurait vraisemblablement jamais tué un homme volontairement. Il l’a fait ici pour sauver une amie en détresse et a décidé de la protéger jusqu’au bout en assumant ses actes. Alors qu’on pourrait s’attendre à une débauche de sang, le titre joue finalement plus sur l’aspect psychologique, ce qui laisse entrevoir de belles perspectives pour les trois derniers volumes. Le poids que la société fait porter sur les épaules de Takashi est lourd alors qu’il a payé pour ce qu’il a fait. Le supportera-t-il longtemps ? Sasaki viendra-t-elle à son secours ?


The Wize Wize Beasts of the Wizarding Wizdoms de Nagabe, Komikku

The Wize Wize Beasts of the Wizarding Wizdoms de Nagabe, Komikku

En parallèle de la publication mensuelle de L’Enfant et le Maudit, Nagabe aime publier des histoires dans des magazines boy’s love depuis ses débuts (voir Le Patron est une copine). Sa marque de fabrique ? Les amours entre animaux anthropomorphes. Ce recueil de huit histoires courtes n’y coupe pas et présente huit moments de vies partagés par des animaux réels ou imaginaires qui n’ont que le point commun d’être dans la prestigieuse école de magie « Wizdoms ».

À vrai dire, on se moque complètement qu’il s’agisse d’une école de magie, il n’en est presque jamais question. Chaque récit repose sur ses personnages et leurs approches sentimentales. Dans un rapport de pair à pair, dominant/dominé ou maître/élève, il est question d’attirance et d’amours inassouvis, cachés, discrets ou naissants. Chaque chapitre est l’occasion d’effleurer délicatement une étonnante relation toujours abordée par la spécificité de chaque espèce.

L’éditeur a eu la très bonne idée de garder le grand format original, ce qui rend le dessin racé du mangaka encore plus troublant. L’amour de Nagabe pour les bêtes est flagrant et confirme qu’il est l’un des meilleurs dessinateurs animaliers au côté de Paru Itagaki (Beastars).


L’Enfant, le Maudit et le Goûter de Nagabe, Komikku

L’Enfant, le Maudit et le Goûter de Nagabe, Komikku

Si nous n’avons pas eu le droit à la sortie d’un nouveau tome de L’Enfant et le Maudit en ce mois de juin, nous avons tout de même eu le droit à une deuxième publication signée Nagabe. Et cette fois-ci celle-ci est intimement liée à sa série phare. Il ne s’agit pas d’un manga, ni même d’une bande dessinée, mais nous tenions à vous en parler, car elle devrait plaire aux amoureux de Sheeva, du Professeur et du trait vibrant du mangaka.

C’est sous forme d’un album cartonné au format moyen à l’italienne que prend vie cette délicate histoire. Laissant de côté la noirceur du manga pour s’habiller de belles couleurs, l’histoire est fugace, simple et légère. Cet album accessible dès le plus jeune âge est celui d’un partage, d’un petit moment d’intimité volé à ce couple si particulier. Une jolie lecture bonus, qui pourra aussi faire office de douce lecture pour enfant.

Deux autres albums du genre sont prévus et sauront assouvir la longue attente entre la publication de deux tomes de L’Enfant et le Maudit.


Illustration principale : © OSHIMA Tomoko / Shôgakukan

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