Cinq ans après son excellent L’homme qui tua Lucky Luke, ouvrant la collection Lucky Luke vu par…, Matthieu Bonhomme intercale entre ses volumes de Charlotte impératrice un nouvel opus qui brille des mêmes qualités que le précédent en parvenant de la première à la dernière page à proposer une vision novatrice (notamment par un graphisme très précis à la manière de ce que fait Frederik Peeters) mais hautement fidèle au mythe. L’auteur plonge notre lonesome cowboy préféré au cœur d’une chasse initiée par de mystérieuses affiches indiquant sa mise à prix. Secourant trois sœurs pionnières au tempérament de feu, le voilà qui doit jongler entre les dangers de l’Ouest sauvage, les ambitions de cœur des trois jeunes femmes, et une ribambelle d’adversaires issus de ses précédentes aventures, bien décidés à profiter de l’occasion pour toucher la récompense tout en se vengeant de l’homme à la chemise jaune. Si les dessins brillent par leur mise en scène et notamment un sacré sens du mouvement de Bonhomme, nous rapprochant du classicisme d’un Undertaker, le scénario se veut très moderne et interroge les codes comme Morris a su le faire avant lui, comme ces moqueries récurrentes sur l’abandon de la cigarette par Lucky Luke, le caractère asexué du héros qui est titillé ici avec des allusions que le lecteur interprètera comme il le souhaite ou sur la mise à mort. En écho au réalisme des dessins, Matthieu Bonhomme aborde les constantes du personnage sous un regard plus adulte et c’est parfois vertigineux. Mine de rien le simple apport de réalisme graphique modifie totalement notre regard sur les actions et la construction du mythe. Comme par l’utilisation d’aplats de couleurs franches et de construction géométriques si typiques du dessin de l’auteur original, Bonhomme se cale dans les pas de Morris en abordant la modernité non par des anachronismes mais par des remises en questions des mœurs de l’époque. Véritable page-turner aussi agréable à lire qu’à regarder, il est dommage que la chute de Wanted Lucky Luke soit si décevante et empêche d’atteindre les cinq Calvin. Il reste à brillant album qui confirme le talent de son auteur. Lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/09/16/wanted-lucky-luke/
