L'avis de: L'Etagère imaginaire

Cette rentrée est sous le signe de la révolte des femmes sur le blog. Après le magnifique Wonder Woman Historia, voilà que tombe dans ma besace ce magnifique western comme je l’attendais depuis longtemps. Le western se divise en deux catégories: le classique (Blueberry, Jusqu’au dernier, Undertaker,…) et le spaghetti (Wayne Redlake, Wanted, Mondo Reverso,…). Malgré la qualité incontestable des grands classiques, j’ai toujours une appétence particulière pour le genre spaghetti, son univers crade, surréaliste, extrême. Ladies with guns assume ce radicalisme absurde qui ne s’encombre pas de réalisme pour aborder comme un gros pavé (et l’humour!) la « traite » des femmes dans l’ouest sauvage. En lisant ou visionnant des western on ne cesse de s’interroger sur des scènes de galanterie et de civilité qui paraissent bien surprenantes au vu des mœurs de l’époque loin de tout ordre judiciaire et de morale sociale. L’album de Bocquet et Anlor va droit au but sur ce point (un peu comme le récent excellent Hoka Hey!) en dressant un tableau réaliste: les pionniers partis faire fortune dans l’ouest n’étaient probablement pas des philanthropes et les femmes, qu’elles soient esclaves, peau-rouge, prostituée ou femme du monde, n’étaient probablement là que pour assouvir les désirs de ces messieurs et se caler dans un univers basé sur la loi du plus fort. L’album suit l’itinéraire d’une esclave évadée qui se trouve dans une situation absurde: enfermée dans une cage, elle a migré comme un escargot portant son lourd fardeau. Rencontrant progressivement les autres membres d’un futur gang improbable réuni par les circonstances, elle va faire montre d’une détermination phénoménale pour expliquer à tous ces messieurs qu’elle n’attend pas leur autorisation. L’expliquer avec des flingues. Car attention aux âmes sensibles, Ladies with guns est violent et sanglant comme un bon Tarantino. Et jouissif tant par des dialogues très savoureux dans leurs punchlines que dans le plaisir de voir ces « faibles » femmes dérouiller un ramassis de crétins. Pas dans un esprit Bad-ass, simplement avec un alliage de chance, de solidarité et surtout d’une monstrueuse envie de vivre, et de vivre libres. Ainsi sous un habillage pulp et bourrin, se cache un vigoureux et très actuel pamphlet sur la violence du patriarcat qui sonne comme un réveil pour le lecteur endormi par des décennies de vernis « classique ». Je ne veux pas sombrer dans l’hagiographie mais cet album marque un peu comme La flèche brisée l’avait été pour le génocide indien dans le western. Un projet bien plus subtile qu’il n’en a l’air et qui mérite une place de choix dans les (pas si nombreux) excellents western en BD. Lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/09/20/ladies-with-guns/

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