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Critiques
par Thomas Mourier - le 24/04/2019
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par Thomas Mourier - le 24/04/2019

La Tournée d’Andi Watson

Polar à l’humour absurde, peuplé d’anti-héros avec un écrivain méconnu pris dans une affaire de tueur en série comme figure de proue, La Tournée installe son univers kafkaïen dans les librairies. Cinquième album du dessinateur britannique publié en France, d’un auteur qui explore les relations humaines et familiales, dessine des chroniques sociales engagées et vivantes… Lire la Suite →

Polar à l’humour absurde, peuplé d’anti-héros avec un écrivain méconnu pris dans une affaire de tueur en série comme figure de proue, La Tournée installe son univers kafkaïen dans les librairies. Cinquième album du dessinateur britannique publié en France, d’un auteur qui explore les relations humaines et familiales, dessine des chroniques sociales engagées et vivantes avec un parti-pris graphique très épuré. Il explore ici un tout nouveau registre : la solitude, ajoutant une haute dose d’humour pour accompagner cette nouvelle direction dans son travail.

G.H. Fretwell, un auteur de romans en tournée de dédicace pour son nouveau livre se retrouve suspecté par la police, car son itinéraire et ses rencontres coïncident étrangement avec celles du « Tueur à la valise ». De cette suspicion et du caractère confidentiel de son livre, un climat étrange va s’installer autour de cette tournée très solitaire. Sa venue n’attire pas les foules, son éditeur le snobe, les critiques le font attendre et sa femme ne répond pas à ses appels : la tournée de Fretwell prend un caractère surréaliste au milieu des livres. La référence à Kafka et cette absence de prise sur la réalité, pour cet écrivain qui se voit ballotté par tous ses interlocuteurs, de la police aux libraires en passant par les hôteliers sont annoncées dès la première page avec le titre de son roman Sans K. Cette filiation infuse dans tout l’album où la vie de cet écrivain mineur va devenir un combat permanent, ne serait-ce que pour exister.

Très léger et iconique, travaillant sur la symbolique plus que la représentation pour installer ses personnages et ses ambiances, le trait d’Andi Watson dans ce livre a quelque chose d’un Quentin Blake devenu adulte avec ces décors qui évoquent plutôt qu’ils ne montrent. Les cases se font évanescentes et les bulles absentes pour souligner cet état d’entre-deux que vit le personnage. Tout le livre est construit visuellement pour accompagner ce flottement.

Le cadre permet à l’auteur de parler de la condition d’écrivain, avec des dialogues et des scènes très réussis sur la place de l’artiste, vu par le reste de la société. Une mise en abîme pleine de sens à l’heure où le statut et les conditions de travail des auteurs sont de plus en plus difficiles. Une réflexion sur l’importance de la création dans la vie d’un créateur, qui représente souvent beaucoup de sacrifices sur plusieurs mois ou années pour une réception critique & publique qui peut être très faible. Un vrai enjeu pour ce métier de passion qui paie peu. Humour noir, ironie et non-sens font de ces observations une composante de ce drame burlesque. Une très belle fable contemporaine qui renouvelle un peu le genre de la satire littéraire. Très fin, on vit avec plaisir la lente descente aux enfers du personnage dans un cadre feutré et policé comme ces Anglais rebelles, mais polis, figés dans l’imaginaire collectif.

L’humour anglais version littéraire creuse son sillon en bande dessinée, après les albums fascinants de Tom Gauld (Lire le coup de cœur), ce livre d’Andi Watson s’installe comme la nouvelle pépite du genre.

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Images extraites de l’album © Andi Watson / Ça et Là

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