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Critiques
par Jaime Bonkowski De Passos - le 24/03/2021
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par Jaime Bonkowski De Passos - le 24/03/2021

La Déchéance d’un homme : la malédiction du clown triste

Junji Ito, l’un des mangakas les plus importants de sa génération, est de retour ! Avec La Déchéance d’un homme, adaptation du roman culte d’Osamu Dazai, il nous confronte au désespoir le plus dévorant et à l’horreur de la banalité.

© La Déchéance d'un homme / Junji Ito d'après Osamu Dazai / Delcourt Tonkam / Shogakukan

« J’ai vécu une vie remplie de honte« . Toute son existence, Yozo l’a passé en étant incapable de comprendre le bonheur des gens qui l’entourent, et en craignant le regard des autres. De son incompréhension et de sa peur naquit une profonde solitude qui se transforma en souffrance, et la seule solution qu’il trouve pour palier à cette souffrance est de devenir un bouffon. D’amuser la galerie en se tournant en ridicule pour n’avoir jamais à gagner le respect de qui que ce soit, et surtout pour masquer ses vrais émotions derrière le masque d’un gentil rigolard.

Mais le destin d’un tel homme ne peut être que tragique, et de sa plus tendre enfance jusqu’à son âge adulte, il entraine la mort et l’affliction dans son sillage, transformant un à un tous ses proches en fantômes qui viennent le hanter sans répit. Au gré de la série, on suit les déambulations macabres de Yozo, damné parmi les vivants, dans un Japon en crise livré aux vices et à l’incertitude.

La souffrance sous le masque

La Déchéance d’un homme est un manga très dur, par le sujet et par le dessin. En suivant la vie de Yozo, le lecteur est confronté à une forme de désespoir aussi crue qu’invasive, qui fait naître un réel malaise au fil des pages. Accablé par la vie, Yozo est autant dangereux pour les autres que pour lui-même, et l’empathie du lecteur pour lui se mue sans cesse en dégout dans un jeu d’alternance de plus déroutant. Antipathique, misérable, cruel, maudit, il est un anti-héros absolument détestable, et en même temps le catalyseur de beaucoup de souffrances très contemporaines, dans lesquelles nombre de lecteurs pourraient se reconnaître malgré eux.

Pour provoquer de tels tourments chez le lecteur, le trait de Junji Ito joue beaucoup. Tout en nuances de gris, il installe une atmosphère oppressante sans pareille mais c’est surtout par ses personnages et leurs visages que son art brille. Déformés par leurs émotions, livides, meurtris, ultra-expressifs, les vivants sont aussi laids et repoussant que les fantômes qui hantent Yozo. La narration, à la première personne du point de vue du personnage principal, nous force à endosser son rôle, à nous mettre à sa place, et l’auteur accentue cet effet en nous mettant à plusieurs reprises dans ses yeux pour nous donner à voir les choses de sa perspective.

À mi-chemin entre le réalisme et le fantastique-horrifique, Junji Ito fait preuve d’une virtuosité d’auteur mainte fois éprouvée, en adaptant une œuvre originale d’Osamu Dazai qui ne laissera personne insensible. Attention : expérience potentiellement traumatique.

La Déchéance d’un homme par Junji Ito d’après Osamu Dazai, Delcourt Tonkam, traduction par Jacques Lalloz


Illustration principale : © La Déchéance d’un homme / Junji Ito d’après Osamu Dazai / Delcourt Tonkam / Shogakukan

© La Déchéance d'un homme / Junji Ito d'après Osamu Dazai / Delcourt Tonkam / Shogakukan
© La Déchéance d'un homme / Junji Ito d'après Osamu Dazai / Delcourt Tonkam / Shogakukan
© La Déchéance d'un homme / Junji Ito d'après Osamu Dazai / Delcourt Tonkam / Shogakukan
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