L'avis de: L'Etagère imaginaire

Fabien Nury aime parler des vilaines histoires, les histoires sans héros qui confrontent ce que l’Histoire laisse comme trace et la chienne de vie que chante le rock punk. Il est un maître pour effacer les vernis créés par les récits mythiques, nationalistes et pour aller titiller l’humanité là où ça fait mal. On peut parler de nihilisme et il est vrai que les lectures de ses albums ne sont pas véritablement des parties de plaisir, comme ce formidable triptyque Katanga dont on ressortait lessivé par tant de vilainie et d’absence d’espoir. Dans sa grande saga Il était une fois en France il parvenait à accrocher à personnage de « héros » même s’il s’agissait d’un anti-héros, bien gris, bien complexe, comme l’est la véritable Histoire. Avec son compère Brüno qui l’accompagne depuis dix ans maintenant il a choisi cette fois de dézinguer le mythe américain en nous racontant l’histoire de ce qui s’en rapproche le plus, à la façon d’un documentaire télévisuel. Le style du dessinateur, très figé mais redoutable dans la reprise des cadrages et cinéma (Brüno n’a pas illustré pour rien le volume de la BDthèque des savoirs abordant le Nouvel Hollywood…) renforce cet aspect en évacuant tout réalisme graphique qui pourrait nous détourner du propos. Dans L’homme qui tua Chris Kyle ( titre emprunté bien évidemment au célèbre film de John Ford) les auteurs dressent le portrait réel d’une vraie légende. Quitte à écorner sur les bords le récit de cette vie qui semble valider l’american way of life et le mode de pensée des redneck dans l’Amérique de Trump (l’album ne sort bien évidemment pas cette année pour rien), ils ne remettent pas en question ce que représenta cet homme dont les choix et la réussite semblent valider totalement la mythologie de la vie par la volonté et les valeurs… simples si possible. Le propos est plutôt de gratter le traitement par l’Amérique, ses plateaux de chez Fox news, ses grands éditeurs qui fabriquent les best-sellers alimentant le mythe du héros tué par un lâche et de la veuve courageuse qui défend la mémoire de son mari, de présenter l’évidence brute, documentaire pour ensuite nous donner une interprétation plus complexe de ces évènements. Ainsi ils dressent le parcours du héros, puis de son assassin, vétéran comme lui mais comme son négatif à qui rien n’a réussi alors qu’ils avaient le même parcours… jusqu’à fréquenter le même lycée. Ensuite la veuve qui fructifie sur son mari pour endosser un statut national héroïque et l’argent qui va avec. Enfin le traitement judiciaire expéditif. Tout cela de façon presque clinique, sans commentaire ou presque, laissant le lecteur européen s’amuser tout seul des monstruosité du système médiatique américain que nous adorons détester.[...] Lire la suite sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2020/10/11/lhomme-qui-tua-chris-kyle/

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