Né en 1985, Jon McNaught fait partie de ces auteurs de bandes dessinées que l’on reconnaît au premier coup d’œil et qui construisent leur bibliographie en prenant le temps d’aller sans pression là où ils souhaitent.
Avec seulement 4 ouvrages en 10 ans, il est devenu avec Luke Pearson (Hilda) l’un des auteurs emblématiques de la maison d’édition britannique Nobrow.
À la lecture, on pense inévitablement au travail méticuleux de Chris Ware (Jimmy Corrigan, Building Stories…) et de Seth (Clyde fans, Wimbledon Green…) dans l’agencement et l’aspect obsessionnel de leur travail. À la colorisation moderne de ses contemporains illustrateurs comme Tom Haugomat et son ouvrage À travers. Et également au travail de Richard McGuire dans Ici, avec ses ambiances, ses planches figées dans le temps.
En plus d’être auteur de bandes dessinées, Jon McNaught est illustrateur et maître de conférences à l’Université de l’Ouest de l’Angleterre, dans laquelle il enseigne notamment la lithographie à ses étudiants. Cela explique certainement en grande partie son approche chromatique, particulièrement calme et silencieuse de la bande dessinée.
Un parcours cohérent
Dès ses premiers petits livres (par leur petite taille et leur faible pagination), l’auteur s’applique à dessiner ce que ses confrères ne prennent souvent pas le temps de montrer. Dans Dimanche, c’est l’ennui dans un des innombrables et identiques quartiers résidentiels de banlieues que l’histoire prend place. Il ne s’y passe pas grand-chose et le temps s’y écoule lentement. Dans Histoires de Pebble Island, il s’inspire de ses années passées dans les Îles Malouines pour croquer des instants coupés du monde. Avec son avant-dernier livre, Automne, il scénographie des moments de vies contemplatifs liés à cette saison. Il laisse un peu plus de place aux dialogues, agrandit son format et marque esprits et critique en recevant même le Prix révélation du Festival d’Angoulême de 2013.
Une poésie du quotidien
Récits calmes quasi muets, les œuvres de Jon McNaught sont toutes empreintes d’une mélancolie contemplative. Le paysage en est l’élément clé, montrant méticuleusement plus que ce qu’il ne (se) raconte, un peu comme si l’on contemplait une série d’estampes japonaises dignes de Hokusai ou de Hiroshige.
Maître de l’épure narrative et graphique, ses pages sont toujours servies par une trichromie sans encrage préalable, travaillée en aplats de bleu, d’ocre et de noir .
L’œil accompagné par la caméra de Jon McNaught suit un découpage inspiré du gaufrier et montant jusqu’à 35 cases par planche. S’y dérogeant régulièrement, mais sans folie, le rythme de lecture de ses œuvres est particulièrement apaisant.
Jon McNaught est et restera un ovni dans le monde de la bande dessinée. Ses œuvres font rêver et coupent de la fureur du quotidien. On parcourt chacun de ses livres avec admiration et on le referme en douceur, quasi hypnotisé par le charme sourd qu’il s’en dégage.
L’été à Kingdom Fields
La première chose qui marque les lecteurs de la première heure est sans aucun doute le format de L’été à Kingdom Fields. Jon McNaught reprend son grand format utilisé pour Automne et s’attaque pour la toute première fois à une histoire longue (100 pages). Au lieu de profiter de l’espace pour s’étaler ou agrandir ses dessins, on retrouve le découpage et les dessins caractéristiques à ses précédentes BD. Avec la taille et l’aspect d’une bande dessinée classique, le travail graphique de l’auteur est d’autant plus impressionnant.
Se laissant porter par le quotidien particulièrement banal d’une famille qui part en vacances, l’histoire a plus d’ampleur que ces précédentes, mais ne s’entiche pas pour autant d’une intrigue complexe ou d’enjeux spectaculaires. Le regard prend par contre plus que jamais le temps de vagabonder au fil du trajet, lors des moments sur place et pendant le retour. Les dialogues se font encore un peu plus présents et tiennent le lecteur captif alors qu’il pourrait se perdre dans cette profusion de cases.
Illustration principale & planches : © Jon McNaught / Dargaud / Nobrow