En matière d’apocalypse et de fin du monde, on a déjà à peu près tout vu. Difficile de proposer du neuf, la civilisation ayant déjà été détruite maintes fois par des zombies, des extraterrestres, des singes ou des robots. Gung Ho n’essaye pas trop de faire du neuf, la menace proposée ici n’est guère différente de celle que l’on trouvera dans d’autres oeuvres. L’important, comme bien souvent, n’est pas là : dans Gung Ho comme ailleurs, ce sont les survivants et leurs embrouilles internes qui vont servir de moteur à l’action.
L’originalité vient ici du fait que les auteurs ont choisi comme principaux protagonistes des adolescents aux hormones en ébullitions, fatigués des contraintes et épris de liberté. Des têtes brûlées, en somme – l’un des sens du terme « Gung Ho » qui a donné son titre à la série. L’ambiance générale, dans Gung Ho, est donc plus celle d’un camp d’été peuplé de frimeurs que d’un camp militaire. Et évidemment, ça dégénère – surtout vu que ces adolescents-là sont armés et entraînés à tuer, et sont justement censés suivre une discipline militaire.
Un tome 5 qui conclut la série
Le tome 1 commençait avec Zack et Archer, deux jeunes frères orphelins et rebelles. Leur arrivée à Fort Apache, colonie barricadée en bout de ligne, était le premier domino d’une intrigue relativement classique mais toujours efficace, où des caractères divergents devaient s’accommoder les uns des autres pour faire face aux terreurs extérieures. Peu à peu, une opposition ados / adultes se bâtissait. Le cinquième et dernier tome de la série vient de sortir, concluant l’intrigue dans une apothéose d’hormones.
C’est peut-être au final ce qui marque le plus : Gung Ho n’est pas vraiment une BD pour adolescents, mais plutôt une BD pour adultes qui met en scène des adolescents réalistes, avec leurs passions, leurs faiblesses, leurs erreurs – et leur envie de s’éclater. Si elle dépeint ceux-ci et se met à leur hauteur, elle n’en fait pas pour autant des héros caricaturaux opposés à des adultes tout aussi manichéens. Au contraire, après des débuts convoquant des références allant de La Planète des Singes à Seul(s) en passant par The Walking Dead, la fin s’oriente plus vers Sa majesté des Mouches où d’autres œuvres tragiques, les personnages devant payer le prix de leurs choix, de leurs erreurs, et des règles qu’ils ont transgressées.
Vacances d’été en mode post-apo
L’histoire racontée par Benjamin Von Eckartsberg dans ces cinq tomes grand format de Gung Ho est efficace, mais relativement classique ; elle a en revanche la chance d’être servi par un dessin à la fois splendide, tranché et grand public, celui de son compatriote allemand Thomas Von Kummant. Ses images numériques très travaillées, ses paysages de nature bucolique, ses chaudes lumières estivale, ses scènes de fêtes piscine-barbecue, son choix de privilégier les couleurs au trait, tout concourt à produire un cadre très particulier, et très adapté à cette histoire d’adolescents qui s’aimeraient en grandes vacances permanentes. Exit les ambiances post-apocalyptique sombres et désespérantes et les villes dévastées trop courantes dans ce genre d’œuvre : la série de choix graphique a été pensée à la fois pour renforcer l’ambiance « vacances d’été » et pour se démarquer des BD franco-belges ou américaines, en proposant du neuf. Et ça marche totalement.
Gung Ho, de Benjamin Von Eckartsberg et Thomas Von Kummant, est disponible aux éditions Paquet en deux éditions (10 tomes de 40 pages, ou 5 tomes de 80 pages).
Chaque semaine, retrouvez toutes les sorties passées au crible de nos rédacteurs dans la catégorie Notre oeil sur les sorties. BD, Comics ou manga toute l’actualité chroniquée en complément de nos Incontournables ou nos dossiers.
Illustrations © Benjamin Von Eckartsberg et Thomas Von Kummant / éditions Paquet