Illustration de l'article
Incontournables
par Thomas Mourier - le 29/09/2017
Partager :
par Thomas Mourier - le 29/09/2017

Fun Home d’Alison Bechdel

Ses travaux ont donné un sens très fort au genre memoirs : ces livres qui peuvent être à la fois autobiographie, biographie & recueil de documents. Une écriture ancrée dans le réel, qui questionne autant l’auteur que le lecteur.

Si vous êtes passé à côté de l’un des meilleurs romans graphiques de ces dernières années, je vous propose de réparer cette injustice en vous jetant sur les albums d’Alison Bechdel. Son nom vous dit peut être quelque chose, avec Liz Wallace elle a inventé par jeu un test qui évalue la place accordée au genre féminin dans les films (et aux autres œuvres) Il n’est pas rare que ce test de Bechdel soit cité aujourd’hui dans des articles ou des fictions.

C’est une équilibriste de la BD, entre biographie romancée et bande dessinée, humour noir et moments touchants, références littéraires fortes et goût de la dérision, recherche de la vérité et plaisir du souvenir… la narratrice se pose des questions et tente de trouver des réponses par la lecture et l’écriture.

Famille atypique au destin tragique, ces deux livres questionnent ses parents auxquelles elle consacre une biographie immersive couplée à son propre cheminement. Elle livre ses souvenirs, des extraits de son journal intime de l’époque mêlés à sa vision des choses actuelles pour reconstituer le portrait de son père dans Fun Home puis celui de sa mère dans C’est toi ma maman ? Lecteurs enthousiastes de Fitzgerald, passionnés de théâtre et de littérature, vivant dans le Paris d’après-guerre, les Bechdels auraient pu avoir une vie de bohème ou d’artistes s’ils n’étaient pas retournés s’enterrer en Pennsylvanie pour reprendre la succession de l’affaire familiale : un funérarium.
Funeral home ou Fun Home pour Alison et sa fratrie qui jouent dans cette maison tandis que leur père transforme leur foyer en musée et se fait distant vis-à-vis de toute la famille. Son père mène une double vie qui compliquera ses relations jusqu’à son décès accidentel qui reste mystérieux. On est obligé de penser à l’une des meilleures séries TV, Six Feet Under, qui s’ouvre sur le même thème et traite aussi de relations familiales houleuses avec humour et justesse.

Ces deux albums s’attachent aussi à sa propre expérience, de ses découvertes littéraires à l’affirmation de sa sexualité jusqu’au moment où elle assume pleinement son homosexualité. Elle se livre à un travail profond où elle s’attache à comprendre quel a été la part d’influence de ses parents sur elle et sur ses choix et la nécessité de se préserver un espace, une distance critique pour s’affirmer.

Très documenté, entre biographie et bande dessinée ce « mémoire » utilise le dessin pour suggérer, confirmer ou infirmer les propos. Le découpage et la mise en scène se veulent presque documentaires et le trait s’attache à rendre compte de ce réalisme. Quelques incursions d’illustrations ou de recréation s’invitent pour étayer les réflexions de la narratrice. Le dessin et l’écriture participent du même geste dans son travail, à tel point que beaucoup de cases mettent en scène du texte.

L’aventure est intérieure pour les personnages de cette « semi-fiction » réaliste et audacieuse, assez politique et toujours contemporaine depuis sa parution. Beaucoup d’humour au milieu de cette tragédie familiale, une histoire forte sur les liens familiaux et l’acceptation de soi à lire et relire pour en apprécier toutes les subtilités.


Images extraites de l’album ©Alison Bechdel/ Denoël graphic

En VO, pas de spoil.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail