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par Thomas Mourier - le 5/03/2021
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par Thomas Mourier - le 5/03/2021

Élection de Pascal Ory à l’Académie française, la BD y entre aussi ? 

On ne peut que se réjouir de voir l’historien Pascal Ory prendre siège à l’Académie française, lui qui est aussi un grand lecteur de bande dessinée.

Auteur de plusieurs articles sur le 9e art et d’un gros livre sur le scénariste René Goscinny : Goscinny (1926-1977) : La Liberté d’en rire en 2007.

Il co-dirige également L’Art de la bande dessinée en 2012 avec Laurent Martin, Sylvain Venayre et Jean-Pierre Mercier, un très gros volume qui approche le médium de manière scientifique. 

Également chroniqueur pour les magazines Lire et L’Histoire et président du jury du Prix Château de Cheverny de la bande dessinée historique (décerné à Blois, lors des Rendez-vous de l’histoire), l’historien est un défenseur du 9e art et cette particularité n’est pas anodine, car l’institution des immortels a aussi son Kurgan !
(oui oui, le méchant dans Highlander)

Finkielkraut, l’immortel 

Alain Finkielkraut (élu en 2014 à l’A.F.) est lui, un intellectuel qui n’aime pas — euphémisme — le 9e art et qui a régulièrement fait des sorties affichant sa méconnaissance et son mépris pour la bande dessinée. 
(mais pas que, rassurez-vous…)

« Je veux simplement qu’on dise que la BD est un art mineur […] que comme le Polar, ce n’est pas tout à fait de la littérature. » 

Confirme-t-il dans une interview sur France Inter, le 09 juin 2014, l’année même de son admission à la prestigieuse confrérie.  

« J’ai lu Tintin et franchement je persiste et je signe » Répond-il au journaliste qui lui conseille les œuvres d’Hergé.

Il faut dire que l’intellectuel répondait à une indignation de plusieurs professionnels de la bande dessinée qui avaient souligné ses propos étranges dans son émission Répliques sur France Culture où Alain Finkielkraut expliquait qu’il ne fallait pas se vanter de lire des BD et qu’en mettant en avant cet « art mineur » on appauvrissait les autres. 

Comme s’il ne pouvait en rester qu’un ?

L’homme de la mesure et l’académicien de la diplomatie

« TAISEZ-VOUS, TAISEZ-VOUS. IL NE PEUT EN RESTER QU’UN !»

L’émission du 3 mai 2014 est disponible ici, mais pour vous épargner 50 minutes difficiles, voici la transcription des propos qui ont fait de lui une vedette chez les amateurs « d’Illustrés »

« Je pense à un reportage publié, dans un journal il y a déjà plusieurs années, sur Louis Schweitzer, alors qu’il était PDG de Renault. Et il a avoué sa passion pour la bande dessinée. Il a dit “j’ai 3 000 albums chez moi et d’ailleurs j’ai de grandes conversations avec Michel-Edouard Leclerc [Marc-Edouard Leclerc pour Finkielkraut] parce que nous partageons cette passion, et nous faisons notre coming out ensemble.
Et ce qui m’a frappé, c’est que le même Louis Schweitzer est devenu le premier président de la Halde, la Haute autorité de lutte contre les discriminations. 
Je ne sous-estime pas, bien au contraire, la nécessité de lutter contre discrimination raciale, à l’embauche ou au logement. Mais on a l’impression, aujourd’hui, que c’est toute discrimination qui est mise en cause. C’est le droit de discriminer qui est refusé au nom de l’égalité de tous. 
C’est ainsi qu’on peut se TARGUER d’aimer la bande dessinée. Pourquoi ne pas aimer la bande dessinée ? Mais s’en targuer c’est autre chose. C’est dire, en sous-main : il n’y a pas d’art mineur. Et quand on dit qu’il n’y a pas d’art mineur, non seulement on réhabilite les arts mineurs, mais on vide les autres. Si la variété, c’est de la musique, il n’y a plus de musique, la musique disparaît peu à peu de la consommation courante. 
C’est le principe de non-discrimination qui est à l’œuvre.
 »

On pourrait aussi citer sa sortie en 2008 dans le journal Libération du 26 janvier : « Quand on me raconte une histoire, j’ai besoin qu’on me donne à penser, qu’on me donne l’envie d’interrompre ma lecture et de lever la tête, pas qu’on dessine pour moi les héros. »  Auquel avait répondu par une lettre ouverte Jean-Christophe Ogier, au nom de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée).

Pascal Ory, Eric Orsenna, Michel Serres, Marcel Brion…

Les académiciens qui ont déclaré un intérêt pour la bande dessinée ne sont pas légion, mais il y en a. Eric Orsenna, a déjà pris position en faveur d’un auteur de bande dessinée académicien, et siège aux côtés du nouvel élu Pascal Ory.

Avant eux, Michel Serres qui était un grand admirateur et ami d’Hergé a beaucoup écrit sur la bande dessinée. Marcel Brion avait appuyé le travail de Francis Lacassin lors de la création du Club des bandes dessinées ou CBD en 1962. Et René Clair avait écrit une communication sur le médium qui date de 1974. 

On souhaite bon courage à Mr Ory et on espère qu’il poussera d’autres académiciens à « se targuer » d’aimer la bande dessinée, à « se targuer » d’en lire et d’en faire lire ! 

Excelsior comme dirait un autre immortel ! 


Illustration principale © 20th Century Fox / EMI Films Ltd

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