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Critiques
par Jaime Bonkowski De Passos - le 19/03/2021
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par Jaime Bonkowski De Passos - le 19/03/2021

Deadwood Dick : un western en noir et rouge (sang)

BAM ! Deadwood Dick le dernier coup de cœur des mordus de western débarque, et il frappe fort là où ça fait mal ! Violent, cynique, puissant : une vraie bombe.

© Deadwood Dick / Michele Masiero & Corrado Mastantuono / Paquet

Un cowboy afro-américain qui a soif d’indépendance dans l’immédiat après-esclavage : qu’est ce qui pourrait mal se passer ?
Nat Love, dit Deadwood Dick, est un fils d’esclave qui à échappé de peu à l’enfer dans lequel ses ancêtres ont vécu. L’histoire prend en effet place peu de temps après la fin de la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage par le président Lincoln. Mais il y a ce que la loi abolit, et il y a le racisme et la violence intégrée par les blancs après des décennies d’oppression. Et esclavage légal ou pas, ils ne laissent aucun répit à ceux qui ne partagent pas leur couleur de peau.

Dick en fait les frais quand, accusé de viol après avoir simplement regardé une femme blanche, une meute en colère le prend en chasse pour lui passer la corde au cou. Traqué, il n’envisage qu’un porte de sortie : fuir et s’enrôler dans les buffalo soldiers, un légendaire régiment de l’armée américaine uniquement formé de soldats noirs. Mais sa route est longue et pavée d’embûches et même une fois arrivé à destination, les ennuis ne sont jamais loin…

Comme un air de Tarantino

Un western avec pour héros un cowboy noir aussi badass que violent : difficile de ne pas comparer Deadwood Dick au chef-d’œuvre de Tarantino Django Unchained. Et bien rassurez-vous : l’album, adaptation d’un récit de Joe R. Lansdale, tient sans problème la comparaison. Enragé, sans répit, ultra-violent et cynique à souhait, on y retrouve tous les ingrédients d’un excellent western boosté aux hormones.

Évidemment, le thème politique sur la condition des noirs aux États-Unis est limpide, mais l’intemporalité du propos surprend à plus d’une reprise : l’histoire a beau se passer il y a 200 ans, certaines répliques et attitudes sont tristement d’actualité.

L’album parle donc de l’intolérance et de la violence raciste, mais aussi (et surtout) de vengeance. À l’instar du héros de Tarantino, Dick transforme toute l’injustice qu’il subit et la colère qui le ronge en une violence sourde qui s’abat sans pitié sur quiconque lui cherche des noises, à grand renfort de six coups et d’effusion de sang. Œil pour œil, dent pour dent. Et s’il conserve un sens aigu de la justice et une morale à toute épreuve, il n’en reste pas moins impitoyable.

Une esthétique sublime

En plus de son sujet catchy et très bien traité, Deadwood Dick profite d’une exceptionnelle direction artistique. Dans un noir et blanc à couper au couteau sans nuance de gris, tout en ombres et lumière, les planches sont flamboyantes et explosives. Cette technique est aussi intéressante car elle dissimule dans une certaine mesure les couleurs de peaux. On identifie pas immédiatement les personnages noirs des visages-pâles ou des natifs américains. Un procédé astucieux qui sert très bien le récit, tout centré qu’il est sur les différences et l’intolérance dans une Amérique obsédée par la race.

Les qualités d’illustrateurs de Mastantuono sont tout bonnement époustouflantes : dans un style unique qui puise aussi bien dans le comics de Frank Miller que dans les grandes heures de la BD réaliste italienne, on est tout de suite captivé par les environnements et les personnages. Les scènes d’action, au final pas si nombreuses mais toujours marquantes, sont très claires et bien découpées, mais l’artiste brille particulièrement dans ses ambiance.

On sent la patte d’un vrai amateur de western spaghetti à l’ancienne, et le récit fait des étapes dans tous les lieux archétypaux du genre : on a le fort militaire, la ville du far-west et le saloon, les cours d’eaux piégés entre deux canyons, les immensités arides pleines de cactus… Un vrai concentré du western classique comme on l’aime.

L’album est, enfin, enrichit d’un dossier très bien construit sur le « vrai » deadwood Dick un personnage historique méconnu mais bien réel de l’histoire américaine. Le dossier s’attarde aussi sur le dime novel (roman à quatre sous), un genre littéraire qu’affectionnait tout particulièrement Lansdale et qui fait les grandes heures du far-west avant l’irruption du genre au cinéma. Un travail de contextualisation très enrichissant qui donne de nouvelles clefs de lecture au récit.

Un récit intelligent, bien construit et fichtrement jouissif porté par un dessin sublime : on en demande pas plus pour passer un excellent moment de bande dessinée. Les amateurs de western, d’action, de récit de vengeance ou tout simplement de bonne BD y trouveront assurément leur compte.

Deadwood Dick par Michele Masiero & Corrado Mastantuono, Paquet


Illustration principale : © Deadwood Dick / Michele Masiero & Corrado Mastantuono / Paquet

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