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Critiques
par Rémi I. - le 21/08/2020
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par Rémi I. - le 21/08/2020

Dans mon village, on mangeait des chats : les racines du mal

Un très bon polar noir au rythme enlevé et à la narration cinglante qui décrit la montée en puissance d’un jeune campagnard devenu gangster. Glaçant !

Dans mon village, on mangeait des chats, 
Francis Porcel et Philippe Pelaez, Bamboo

Le titre et la couverture ne mentent pas, Jacques n’a pas la vie facile. À la maison sa mère se prostitue et son père routier est souvent absent. Quand il est là, sa présence étouffante ne fait qu’envenimer le quotidien de sa famille. Irascible, alcoolique et violent, il s’en prend régulièrement à sa femme sous les yeux de ses propres enfants. Pour fuir ses coups de folie, Jacques a pris l’habitude d’aller vers la rivière le temps que ses humeurs se tassent.
Un jour, alors que lui et sa petite sœur Lily observaient les étoiles sur les bords du cours d’eau, ils surprirent Charon, un des autres pourris du village, en train de tuer des chats et de les glisser dans un sac. Maire et boucher de son état, c’était une des figures emblématiques de la région et on venait de très loin pour acheter son pâté. Personne n’en connaissait la composition, mais sa rareté et son goût si particulier en faisait un met très convoité des habitués.
Une fois le pot aux roses mis à jour, Jacques commence un jeu de provocation envers Charon. Poussé dans ses derniers retranchements, le boucher le prend en apprentissage, plus pour la garder à l’œil que lui apprendre les ficelles du métier. Pris au piège, Jacques ne se laisse pas faire et s’engage sur un long chemin le mènera vers la grande délinquance.

Une narration fine et piquante

Une grande partie de la réussite de ce récit est due à la façon dont Philippe Pelaez manie sa narration. Toujours finement ciselée, l’ambiance sombre passe beaucoup par ses récitatifs vivants et cinglants qui s’adressent directement au lecteur. Présents du début à la fin, ils tracent le parcourt singulier de ce gamin qui deviendra petit à petit un criminel craint de tous. À ces narratifs s’ajoutent des dialogues vifs et fleuris allant à l’essentiel. Afin de bien lier le tout, le scénariste construit de temps en temps des ponts entre les deux. Un exercice délicat que seuls les meilleurs savent placer aux moments les plus opportuns, et qui se révèle ici parfaitement bien exécuté.

Une mise en image au diapason

Si le scénario au cordeau permet de poser une atmosphère idéale, le dessin de Francis Porcel lui sied tout à fait. Semi-réaliste, son encrage brut bien noir et épais renforce la brutalité des scènes. Ses couleurs aux tons sépia soutiennent l’aspect campagnard et très seventies de cette histoire. Complétant les textes pertinemment, les deux se répondent en enrichissant le propos intense et diligent sans l’alourdir.

Une plongée aux racines du mal

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs pâtés de chats meilleures histoires. Les récits sur les meurtriers, malfrats et autres grands bandits sont légion, pourtant peu arrivent à mener à l’origine du mal et à exposer le parcours de l’un d’eux avec autant de perspicacité et de vivacité que Dans mon village, on mangeait des chats. Si cette histoire est fictive, elle n’en est pas moins réaliste dans son déroulement. D’abord enfermé pour meurtre dans un institut de rééducation pour la jeunesse, Jacques se révèle définitivement en arrivant à mettre le directeur dans sa poche et à devenir le chef de toute une bande. Malin et charismatique, son goût pour l’argent, son sens de la tchatche et de la débrouille finira de tailler son costard de gangster.

Glaçant, percutant, cet ouvrage court d’une cinquante de pages est prompt à retracer et crédibiliser la vie d’un jeune garçon devenu criminel. Philippe Pelaez & Francis Porcel confirment une nouvelle fois avec ce très bon polar noir très cinématographique que leur talent a de multiples facettes et qu’il se plie à convenance à tout type de récit.


Illustrations : © Philippe Pelaez / Francis Porcel / Grand Angle

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