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Critiques
par Jaime Bonkowski De Passos - le 25/02/2021
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par Jaime Bonkowski De Passos - le 25/02/2021

Croquemitaines : les monstres ça n’existe pas…?

En ce début d’année, Glénat propose une réédition intégrale des deux tomes de la série Croquemitaines, succès fantastique incontournable de ces dernières années. Retour sur une œuvre exceptionnelle.

© Croquemitaines L'intégrale / Salvia / Djet / Glénat

À l’instar de tous les enfants de son âge, Elliott est persuadé qu’un monstre traîne sous son lit la nuit et vit dans la cave de sa maison. Mais contrairement à la plupart des enfants, Elliott n’invente rien… Il y a effectivement un monstre dans sa maison, et pas des moindres : le père-la-mort, le plus vieux et le plus redoutable de tous les croquemitaines !

Le soir où ses parents se font sauvagement assassiner, Elliott va plonger dans l’univers de ces monstres et se retrouver au cœur d’une guerre meurtrière entre le père-la-mort et une nouvelle génération de cauchemars désireux de se débarrasser une bonne fois pour toute de tous les anciens, dont il est le dernier représentant…

L’imaginaire enfantin réinventé en mode fantastique

Croquemitaine, bonhomme-sept-heure, père-la-mort : ces noms évoquent surtout et avant tout les pires cauchemars des petits enfants, ceux que les parents leur agitent sous le nez pour qu’ils finissent leur soupe. S’emparer de cet imaginaire pour le réinventer à la sauce fantastique, action et horreur était un pari audacieux, mais réussi avec un brio incontestable par notre duo d’auteurs : Salvia et Djet.

Entre conte merveilleux, folklore local et mythes vaudous, ils imaginent une société parallèle de monstres régie par des règles strictes et bouleversée par l’arrivée d’une nouvelle génération prêt à tout pour effacer l’ancienne. Le père-la-mort fait alors figure d’ultime résistant, croquemitaine des croquemitaines et monstre parmi les monstres, craints des enfants mais surtout de ses confrères et consœurs qui redoutent sa force. Le héros de l’intrigue, Elliott, ne pouvait pas rêver meilleur garde du corps !

C’est bien lui, Elliott, l’ingrédient secret qui permet à l’alchimie du récit de fonctionner. Gamin curieux pour qui les monstres sont plus une source de fascination que de terreur, il apporte à l’intrigue la touche d’innocence et de pureté nécessaire à la préservation des enjeux, et empêche l’histoire de tomber dans l’écueil un peu vide du « fuite-combat-fuite-combat ».

On s’horrifie avec lui devant le meurtre de ses parents, on retient son souffle quand il se dissimule des hyènes du bonhomme-sept-heure, on pleure avec lui quand il relâche la pression et laisse libre cours à ses émotions : par sa caractérisation aussi fine que réussie, le lecteur s’identifie immédiatement à lui en dépit de son jeune âge.

Une esthétique exceptionnelle

© Croquemitaines L'intégrale / Salvia / Djet / Glénat

Graphiquement, on en prend plein la tronche du début à la fin. Le style de Djet est parfaitement cohérent avec l’intrigue, entre réalisme cru et onirisme ténébreux. Les influences sont multiples : le dessinateur pioche dans l’imagerie populaire qu’évoquent les croquemitaines aussi bien que dans le comics, le manga, le jeu-vidéo, l’animation… Un syncrétisme artistique finalement assez caractéristique de la bande dessinée contemporaine et qui traduit la très grande modernité de l’œuvre.

Les scènes de baston sont tout simplement somptueuses : lisibles, ultra-violentes, haletantes… Elles jalonnent un récit pas uniquement centré sur l’action mais qui prend bien le temps de nous expliquer les tenants et aboutissants de son univers sans tomber dans l’exposition bête et méchante. On découvre un monde complexe, ancien et sur le déclin mais encore riche de secrets, dont bon nombre sont laissés à la discrétion du lecteur. C’est aussi ça la grande force de la série : préserver la part de mystère inhérente aux contes dont elle parle.

Glénat propose par ailleurs deux rééditions différentes : une « regular » en couleur et une, plus chère mais encore plus belle, en noir et blanc avec une couverture exclusive.

Par son univers, ses personnages, son récit, le seul défaut qu’on peut trouver à Croquemitaines c’est de ne pas être plus long. À peine refermé on a déjà envie de se replonger dans l’album et on croise très très fort les doigts pour que les auteurs trouvent un quelconque prétexte pour imaginer d’autres aventures à leurs personnages. Mais la conclusion est trop bien amenée, trop définitive pour croire réellement à une suite, il faudra donc nous contenter de cet album qu’on relira inlassablement à s’en user les yeux.

Croquemitaines L’intégrale, par Salvia & Djet, Glénat


Illustration principale : © Croquemitaines L’intégrale / Salvia / Djet / Glénat

© Croquemitaines L'intégrale / Salvia / Djet / Glénat
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© Croquemitaines L'intégrale / Salvia / Djet / Glénat
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