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Critiques
par Jaime Bonkowski De Passos - le 15/06/2021
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par Jaime Bonkowski De Passos - le 15/06/2021

Blue Lock : en pleine lucarne

Sortez les crampons et les maillots, et préparez-vous à enchaîner les buts : « Blue Lock » débarque en librairie ! Découvrez le nouveau titre phare du manga sportif, qui souffle un vent de fraîcheur sur le genre.

© Blue Lock / Kaneshiro Muneyuki / Nomura Yusuke / Pika / Kodansha

Isagi est un jeune passionné de foot évoluant dans une équipe lycéenne sans envergure, au poste d’attaquant. Son rêve est bien sûr de gagner une coupe du monde dans l’équipe nationale du Japon, mais depuis des années l’archipel n’a plus produit de joueurs suffisamment talentueux pour emmener la sélection en finale. Et lui-même, bien que très motivé et doué, ne trouve pas d’opportunité pour se propulser dans le circuit pro, et voit lentement ses rêves s’éloigner…

Tout bascule lorsqu’il est contacté par le comité d’un nouveau centre de formation : Blue Lock. Ce gigantesque complexe d’entraînement a pour but de produire un attaquant ultime, un héros pour l’équipe nationale, au prix d’une sélection drastique parmi tous les jeunes espoirs du foot nippon. Voilà donc Isagi engagé dans un gigantesque battle royale dont le prix ultime est une chance de jouer dans l’équipe nationale, et de marquer à jamais l’histoire du football !

Des crampons, des buts et des larmes

Cela faisait trop longtemps qu’on avait pas eu un bon manga de sport bien cliché, mais ô combien kiffant à découvrir ! Blue Lock est publié depuis 2018 au Japon, mais Pika n’a commencé à l’éditer en France que depuis juin 2021, avec la sortie très remarquée des deux premiers tomes accompagnée de l’annonce d’une très proche adaptation animée. Sacré timing (on croirait presque à une coïncidence).

La série reprend tous les codes les plus classiques du manga de sport, genre bien particulier avec ses règles, ses archétypes, et ses géants : Eyeshield 21, Kuroko’s Basket, Slam Dunk et bien sûr Captain Tsubasa. Blue Lock pioche dans chacun de ces titres, et d’autres encore, pour nous proposer une version moderne et footballistique du genre, qui bien que touchant au même sport n’a pas grand chose à voir avec Captain Tsubasa.

Un vent de renouveau

© Blue Lock / Kaneshiro Muneyuki / Nomura Yusuke / Pika / Kodansha

Le titre ne se contente cependant pas de reprendre une recette mainte fois éprouvée, mais il se pare de différences bien visibles avec les canons du genre, qui lui confèrent tout son intérêt. Au bout du compte, un seul élu accèdera à son but et tous les autres échoueront et devront renoncer à leur rêve. Là où les mangas de sport tendent généralement à favoriser l’équipe, le collectif, et à dépeindre la construction d’une team autour d’un héros central, Blue Lock prend le concept à contre-pied et nous propose un système dans lequel le collectif est un véritable obstacle. Tout dans le programme d’entraînement vise à développer l’égo des joueurs, leurs compétences personnelles, et à les rendre autonomes et indépendants. Et jusque dans les quelques phases du processus qui se jouent en équipe, on est assez loin de la synergie et de l’entente fraternelle d’usage.

Ce parti-pris est très intéressant car il change complètement les règles du genre. Le héros est presque cruel, il prend du plaisir à écraser ses adversaires même lorsque cela signifie mettre fin à leurs carrières. Lui et ses coéquipiers sont invités à exploiter les capacités des autres à leurs propres fins, à trahir, à « jouer perso », autrement dit toute une série de valeurs qui sont bien souvent combattues dans les mangas sportifs. Le concept de base a de quoi interpeller, et teinte tout le récit d’une saveur particulière qui plaira à de nombreux lecteurs, entre amour et haine pour le personnage principal qui, il faut bien le dire, fait déborder chaque page de son charisme.

Néanmoins, quelques défauts émergent. En effet, l’intérêt principal des mangas de sport est de suivre non pas l’évolution du héros seul mais de toute son équipe, de voir comment chacun se renforce, s’entraide et participe à l’effort commun pour atteindre l’objectif final. De fait, dans des Eyeshield 21 ou des Kuroko’s Basket, les personnages secondaires entourant le héros sont très importants, mis en avant, et attachants, souvent avec des caractères bien particuliers, des compétences spéciales, des rêves propres… Autant d’éléments qui procèdent à l’attachement du lecteur. Et dans Blue Lock, on a très peu cela. Les personnages secondaires et amis du héros sont bien là, mais ils changent régulièrement, et surtout le lecteur sait en permanence qu’avant la fin du manga, ils seront vaincus, éliminés et disparaîtront, ce qui perturbe un peu l’attachement.

À part ça tout est en règle !

Outre cette spécificité, on retrouve tous les éléments les plus caractéristiques (et stylés) du manga de sport. Les personnages avec des techniques secrètes ultimes, la démesure omniprésente, un « pouvoir » qui ressemble pas mal au fluide de Galactik Football ou à la zone de Kuroko no Basket, des antagonistes bien clichés : on croise les inévitables jumeaux jouant en tandem, le génie qui n’a jamais travaillé et est plus doué que tout le monde, le sidekick un peu débile mais avec un bon cœur, le mec super fort et super hautain qui prend tout le monde de haut…

Par dessus tout, le dessin est proprement splendide, avec de magnifiques doubles-pages et des poses absolument superbes. Le dessinateur tire pleinement parti des possibilités offertes par les « duels de football » qu’il met en scène avec une débauche de surenchères, des mouvements et des techniques impossibles, des retournements de situation à la dernière seconde de jeu et des buts marqués depuis le rond central : tout ce qu’on aime dans le manga de sport.

Blue Lock est assurément une sortie importante de cet été, qui avec le support de l’animé va se frayer un chemin dans les bibliothèques de nombreux fans. Entre fidélité aux codes du genre et écarts qui lui confèrent sa personnalité, les auteurs sont parvenus à proposer quelque chose de nouveau et d’inattendu, et c’est tout à fait le genre d’innovation prometteuse, qui rappelle par exemple la révolution One Punch Man. Ce dernier nous proposait un shonen dans lequel le héros est déjà invincible, plutôt que de coller au schéma habituel du héros qui commence faible et devient fort. De là à dire que Blue Lock est le One Punch Man des mangas de sports, peut-être pas, en tout cas la série vaut vraiment le détour.

Blue Lock par Kaneshiro Muneyuki & Nomura Yusuke, Pika


Illustration principal : © Blue Lock / Kaneshiro Muneyuki / Nomura Yusuke / Pika / Kodansha

© Blue Lock / Kaneshiro Muneyuki / Nomura Yusuke / Pika / Kodansha
© Blue Lock / Kaneshiro Muneyuki / Nomura Yusuke / Pika / Kodansha

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