Illustration de l'article
Incontournables
par Thomas Mourier - le 4/06/2017
Partager :
par Thomas Mourier - le 4/06/2017

Blake et Mortimer, entre rigueur scientifique & science-fiction

À travers les voyages & les enquêtes d’un duo sympathique, l’autre grande série du Journal de Tintin dévoilait une vision mystérieuse, fantastique et bien plus noire de notre monde.

Blake et Mortimer de Edgar Jacobs

Des albums difficiles à aborder enfant : trop de texte, trop alambiqué et sans respirations visuelles. Mais une fois happé, impossible de décrocher. Jacobs démarre en 1943 par un album qui ne fera pas partie de la série mais dans lequel on retrouve toutes les bases, Le Rayon U. Il débute en jouant sur les codes du héros amateur en prise avec une géopolitique imaginaire, miroir de son époque, dans la continuité de ces héros américains qui ont précédé l’âge d’or des super-héros.

Le Secret de l’Espadon démarre dans le Journal de Tintin, cette nouvelle publication gomme les personnages féminins qui étaient présents dans Le Rayon U et s’éloigne du format feuilleton inspiré des comics d’Alex Raymond ou de Milton Caniff. Devenu assistant d’Hergé, Edgar P. Jacobs développe sa propre série tout en modernisant l’univers de Tintin. Mais contrairement à Hergé, il ne concentre pas toutes les intrigues autour de son seul héros et installe des enjeux à l’échelle de la planète. Il dote également sa série d’un méchant increvable, proche d’un James Moriarty dans Sherlock Holmes, qui permettra de créer un fil rouge même dans les récits les plus excentriques. Le très britannique capitaine Francis Blake permet en tant que directeur du contre-espionnage d’emmener la série autour du monde. Son ami, le professeur Philip Mortimer, offre quant à lui la possibilité de parler de science ou de choses mystérieuses. Là où le premier est prudent et réservé, l’autre est impulsif et plein d’esprit, ce qui donne au duo une aura unique. Ces espions anglais, chics et flegmatiques, vont s’épaissir au fil des albums et s’imposer comme des incontournables du journal.

La série s’installe sur cette frontière fertile entre la crédibilité historique et le fantastique, la rigueur scientifique et la science-fiction, ce qui lui donnera cette atmosphère si envoutante. Les planches très travaillées ont pour elles l’héritage de l’école Hergé, mais Jacobs sera plus audacieux sur le découpage et les cadrages. Souvent raillés pour la taille démesurée des pavés de textes & dialogues qui font le sel des albums, Blake et Mortimer s’apprivoise pour devenir un classique aux relectures indispensables.

En 1996, le titre est relancé avec succès avec L’Affaire Francis Blake par Jean Van Hamme et Ted Benoit devenant le point de départ d’une nouvelle pratique éditoriale très suivie : confier la reprise de ses séries historiques à de nouveaux auteurs. En 2019, l’éditeur laisse carte blanche à François Schuiten pour réaliser un épisode à sa manière en sortant du canon pour la première fois. Il s’entoure de Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig & Laurent Durieux pour Le Dernier Pharaon, qui est à ce jour la dernière aventure du duo vieillissant. Il est vrai qu’il manque de Francis Blake et de leur complicité dans cet album centré sur Philip Mortimer ou encore qu’il se dégage une certaine mélancolie. Mais cet album intriguant, qui peut déstabiliser les puristes de la série, est une réussite.


Illustration principale : © Blake et Mortimer / Dargaud

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail