Illustration de l'article
Critiques
par Thomas Mourier - le 16/03/2021
Partager :
par Thomas Mourier - le 16/03/2021

Beethov sur Seine, symphonie graphique

Dernier projet de la jeune autrice Chloé Wary, doublement récompensée l’an dernier pour son album La Saison des roses (Prix du public du festival d’Angoulême & Prix Artémisia de l’émancipation) On quitte les stades pour l’opéra, le foot pour la musique, mais la passion reste la même.

Depuis son premier livre, Conduite interdite, Chloé Wary s’attache à déconstruire les préjugés. À travers ses personnages de fictions ou elle-même quand elle se met en scène, chacun de ses livres s’attache à quelques clichés et instaure la curiosité en hygiène de vie. « On ne sera jamais déçu d’être curieux » peut-on lire en exergue du livre, et cette expérience autour de la musique classique l’illustre bien. 

Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre raconte une immersion de la dessinatrice aux côtés de l’orchestre Insula orchestra à La Seine Musicale. Un projet lié à la création du spectacle « Pastoral for the Planet » conduit par la cheffe d’orchestre Laurence Equilbey & ses musiciens, mais aussi les danseurs de la troupe La Fura dels Baus et le plasticien Mihael Milunovic

La musique classique, une musique de classe ? 

Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre de Chloé Wary, Stenkis

La narratrice part d’un postulat simple, la musique classique a un côté élitiste. On l’imagine inaccessible, réservée à des connaisseurs ou loin des préoccupations actuelles… En suivant l’orchestre Insula orchestra, elle découvre Beethoven, mieux : elle découvre que Beethoven est partout dans la culture pop ; que le compositeur était un partisan de la démocratisation de la musique alors composée pour les élites, que le musicien s’intéresse à l’humain, à l’écologie à une époque où la musique était plutôt destinée à glorifier le divin. 

Le personnage de Chloé esquive la biographie pour s’attaquer à l’homme à travers sa musique, ce qu’elle ressent, ce qu’elle comprend, ce qu’elle apprend. 

Elle ouvre le livre et sa réflexion avec un constat qu’on a ou qu’on peut tous faire, en écoutant Beethoven, elle se rend compte qu’il est très présent dans la musique actuelle, elle nous remet en tête le tube de Nas I Can, la prestation très commentée sur les réseaux d’Alicia Keys qui interprète au piano une version de La Sonate au clair de lune ou encore Johnny Hallyday qui récite son poème sur la 7ème.
Beethov est partout. 

Un dialogue contemporain 

L’autrice rappelle que Laurence Equilbey fait partie des rares femmes cheffes d’orchestre, seulement 4% de la profession dans le monde. Une mise en avant d’une musicienne qui est elle-même engagée pour faire connaître le travail des compositrices, des œuvres écrites par des femmes depuis le XVIIIe siècle. Derrière cet homme illustre, on découvre le travail de plusieurs femmes.

La cheffe d’orchestre a voulu son projet tourné vers les jeunes générations, mais aussi l’écologie. Le spectacle qui accompagne la prestation musicale s’inscrit dans une démarche de parler du monde, du drame écologique à l’œuvre et Chloé Wary rappelle que Beethoven y était très sensible. 

Vous avez souri au moment où j’ai cité Johnny Hallyday (avouez), mais ce poème sur la 7ème est un texte de Philippe Labro, écrit à la fin des années 60, qui s’interrogeait sur le monde que l’on va laisser aux générations futures face au peu de réflexions écologiques déjà problématiques il y a quarante ans. La Pastorale de Beethoven questionnait ce désintérêt de la nature il y a 200 ans. 

Un spectacle à dessin 

Un an aux côtés des musiciens, des techniciens et à observer Laurence Equilbey & cet ensemble qui a la particularité de jouer sur instruments d’époque et qui cherche à ouvrir le répertoire classique à un nouveau public. Le spectacle « Pastoral for the Planet » se présente comme une expérience artistique pluridisciplinaire dont la bande dessinée fait partie intégrante. Une œuvre conçue pour l’anniversaire des 250 ans de sa naissance. 

Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre s’articule autour de 3 parties : la découverte de sa musique, apprivoiser le personnage de Beethov puis le spectacle (coulisses & représentation). Un QR code permet d’accéder à une playlist conçue pour être écoutée en lisant l’album pour en découvrir des morceaux et se plonger dans l’ambiance. 

Pour cet album, Chloé Wary change de style, d’approche en laissant de côté les feutres pour l’encre de Chine. Un album en noir et blanc qui s’affranchit des cases avec des échappées graphiques pour dessiner la musique. Compositions organiques, ondulations, motifs, répétitions… les planches mêlent les portraits & croquis du documentaire aux compositions & expérimentations visuelles. Une manière originale d’intégrer des partitions et d’intégrer la musicalité entre les passages façon reportage et les portraits à répétition de Beethov pour tenter de cerner le personnage. Citations & dialogues imaginaires accompagnent ces nuances de Ludwig au milieu de cases éclatées. 

En marge, les bulles changent de forme ou de typo pour croiser sans mélanger ce qui relève du dialogue, des citations ou de la narration, des textes, paroles, slams ou poèmes. 

Chloé Wary a une belle actualité en ce moment, elle signe la double affiche du Festival de la BD d’Angoulême de cette année avec Willy Ohm, après le succès de La Saison des roses.
Et, en attendant son prochain projet, vous pouvez faire un tour sur son site où elle propose des fanzines et des prints inédits

Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre de Chloé Wary, Stenkis


Image principale ©  Chloé Wary / Steinkis

Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre de Chloé Wary, Stenkis
Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre de Chloé Wary, Stenkis
Beethov sur Seine : une année avec l’orchestre de Chloé Wary, Stenkis
Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail