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par La rédac' Bubble - le 10/03/2020
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par La rédac' Bubble - le 10/03/2020

BD : les sorties de janvier 2020 qu’il ne fallait pas rater

Janvier est signe de nouvelle année, de festival d’Angoulême, mais aussi et surtout de belles lectures de début d’année. En voici quelques-unes des meilleures !

Un rendez-vous mensuel réalisé à quatre mains par Rémi I. & Thomas Mourier. Retrouvez toutes les sorties BD, comics et manga sans la rubrique “Notre oeil sur les sorties”. Et venez en discuter avec nous sur les réseaux : FacebookTwitterInstagram 

Parmi les très belles sorties de ce mois de janvier, nous avons décidé d’élaborer notre sélection autour de récits qui se focalisent sur l’humain. Dans un univers onirique ou virtuel, tranche de vie du quotidien ou enquête rocambolesque, ou encore conte initiatique : voici les plus belles nouveautés de janvier.

Sommaire 📰

1. Nos conseils
Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu d’après Roald Dahl, Gallimard
Sur la route de West de Tillie Walden, Gallimard
Mais où est kiki ? Une aventure de Tif & Tondu de Blutch et Robber, Dupuis
Thérapie de groupe de Manu Larcenet, Dargaud
Paul à la maison de Michel Rabagliati, La pastèque
Bolchoi Arena T2: La Somnambule de Boulet & Aseyn, Delcourt
Aldobrando de Gipi et Luigi Critone, Casterman
2. Autour de la BD
Entretiens avec Lewis Trondheim de Thierry Groensteen, L’Association

1. Nos conseils

Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu d’après Roald Dahl, Gallimard

Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu d’après Roald Dahl, Gallimard

Pénélope Bagieu, dont Les Culottées vient d’être adapté en petits épisodes animés pour France 5, est tombée sous le charme de Roald Dahl toute petite. Elle réalise ici un rêve en adaptant l’une de ses œuvres cultes. Et le constant est clair : paru originellement en 1983, Sacrées sorcières n’a pas pris une ride et mérite son statut !

À 8 ans, un petit garçon vient de perdre ses parents dans un accident de voiture et se retrouve chez sa grand-mère. Un brin excentrique, elle lui explique ce que sont vraiment les sorcières… avant qu’il n’en fasse lui-même l’affreuse expérience !

Avec sa fouge, son dessin lâché et sa forte pagination, Pénélope Bagieu arrive à exalter l’œuvre sans la trahir et en réaffirmant sa force et son impact. Fantastique, suspense et angoisse sont de la partie. Avec son rythme vif, ce one-shot est un page-turner très efficace aux planches comprenant peu de cases. Les 300 pages sont rapidement englouties et sont très agréables à lire. Une nouvelle réussite à mettre dans l’escarcelle de l’autrice et à partager en famille.

Rémi I.

Sur la route de West de Tillie Walden, Gallimard

Tillie Walden n’a que 23 ans, mais c’est déjà la troisième bande dessinée de plus de 300 pages qu’elle publie. Et pas n’importe lesquelles puisque les deux premières ont été aussi appréciées par les lecteurs que remarquées par la critique : Spinning et Dans un rayon de soleil. Avec ce nouveau récit, elle nous emporte dans un road trip qui mènera ses deux héroïnes à se confier l’une à l’autre. Sur la route pour rejoindre la ville de West pour ramener un chat trouvé en chemin, Béa et Lou parcourent les routes de l’imaginaire pour mieux parcourir leur passé, leurs relations, leurs failles et leurs traumatismes…

L’autrice arrive une nouvelle fois à nous cueillir par les sentiments et le spleen qu’elle parvient à rendre tangible. Aidées par de très belles planches colorées et des ambiances de nuit sublimement fantasmagoriques, le propos teinté de fantastique touche au plus juste, au plus profond de l’être. Un voyage onirique, émotionnel, moderne et bouleversant livré avec tact et simplicité.

Rémi I.

Mais où est kiki ? Une aventure de Tif et Tondu de Blutch et Robber, Dupuis

Spirou, Blake & Mortimer, Lucky Luke, Blueberry… Et maintenant Tif & Tondu : toutes les grandes séries du patrimoine Belge ont droit à leur album revisité par des auteurs contemporains, invités à reprendre le personnage avec leurs styles et à s’éloigner du canon. 

Blutch, n’en est pas à son coup d’essai, depuis plusieurs années, il reprend, redessine et intègre les personnages qui l’ont marqué enfant dans ses séries. Depuis le Petit Christian où certains héros apparaissent régulièrement jusqu’à l’album Variations où il réinterprète littéralement des planches cultes ou significatives d’une 30e de grands noms de la bande dessinée. En réalisant cette aventure de Tif et Tondu, il annonce être arrivé au bout de cette exploration des influences. On sent le plaisir dans le dessin, le trait de Blutch influencé par celui de Will tout en gardant son propre éclat. Un bel exemple de reprise qui ne bascule pas dans le pastiche, mais qui garde l’esprit. 

Co-écrit avec son frère Robber, ils ont imaginé un univers proche du polar des années Manchette et Frédéric Dard, une enquête musclée et étrangement décontractée. Faux semblants, personnages clownesques, situations rocambolesques, tous les éléments sont là pour nous plonger dans cette ambiance rétro qui avait laissé place à une nouvelle génération de scénarios plus documentés, crédibles et actuels. Sans tomber dans la redite, les auteurs arrivent à raviver un peu de l’esprit « à la San-Antonio » en gardant le lien avec les personnages inventés par Fernand Dineur et popularisés par Will, Maurice Rosy ou encore Maurice Tillieux.

Pour parfaire cet univers et renforcer le statut des personnages d’enquêteurs-écrivains, « justiromanciers », de Tif & Tondu, les auteurs ont également écrit un roman. L’Antiquaire Sauvage, dont l’intrigue se positionne avant l’album, la dernière scène du roman étant la première de la bande dessinée. Un roman reprenant les codes du polar évoqués, les textes de Léo Malet et Frédéric Dard en tête. Les deux se complètent et se lisent de manière indépendantes.

Thomas Mourier

Thérapie de groupe de Manu Larcenet, Dargaud

Thérapie de groupe de Manu Larcenet, Dargaud

Cela fait plus de 3 ans qu’est sorti le 2e et dernier tome de l’adaptation du Rapport de Brodeck par Manu Larcenet. Depuis, l’auteur est vidé et ne semble pas se sortir de la dépression et des autres troubles psychologiques qui accompagnent plus que jamais son existence. S’ajoutent à ça un syndrome de la page blanche frustrant et la recherche effrénée d’un nouveau chef-d’œuvre.

L’auteur revient sur son quotidien difficile et mouvementé avec tout l’humour qu’on lui connaît. Sa vie d’homme, de papa, d’auteur de BD… Tout y passe. Dans cette autofiction, tout est plus décalé et viscéralement personnel que dans Le Retour à la terre. Larcenet s’y met en scène au pire de sa forme, plein de désespoir et à deux doigts de la folie.

Alors que cela pourrait rapidement tourner en rond ou tomber à plat, l’auteur, plus inspiré qu’il ne laisse le croire, prouve sans mal que même dans le vide il peut faire jaillir la lumière. D’ailleurs son dessin est une preuve flagrante que le génie est toujours là. Il s’essaie à plein de styles graphiques, de colorisations et d’approches différentes avec succès.

Rémi I.

Paul à la maison de Michel Rabagliati, La pastèque

Ce volume est le neuvième volume de la série Paul entamée il y a plus de 20 ans. Dans cette autofiction du quotidien l’auteur montréalais dessine son alter ego de papier pour mieux se raconter. Il se livre par le biais de petits événements de la vie qui peuvent paraître en apparence anodins, mais qui sont tout autant de moments clés de sa vie, qu’il arrive à sublimer et rendre passionnant. Et cela fonctionne tant cette série est d’une authenticité à laquelle on adhère immédiatement. Vous vous étonnerez même à rentrer dans une telle empathie que vous prendrez parfois l’accent qui raisonne dans le phrasé de Michel Rabagliati.

Dans ce Paul à la maison, le personnage principal a la cinquantaine, une fille majeure qui quitte le nid, une mère en fin de vie et un divorce à digérer. La vie de tout un chacun. Et vous l’aurez compris, c’est en ça que cette série arrive à toucher juste : par son universalité et son analyse de ce qui fait ce que nous sommes.

Encore un joli album pour cette série livrée avec le cœur.

Rémi I.

Bolchoi Arena T2: La Somnambule de Boulet & Aseyn, Delcourt

Bolchoi Arena T2: La Somnambule de Boulet & Aseyn, Delcourt

Déjà le 2e volet de cette saga de science-fiction à la fois fun et très bien pensée. Boulet et Aseyn s’attaquent aux mondes virtuels, identités numériques, avatars & à la conquête spatiale. Si ces thèmes sont des classiques de la science-fiction, le traitement et l’angle choisi par Boulet sont rigoureux et assez malins. Au milieu de l’action et des enjeux, les auteurs prennent le temps de réfléchir et de poser quelques questions philosophiques sur ces nouveaux usages. 

Après un premier tome qui posait les règles & les jalons de cet univers, ce deuxième volume dévoile ses intrigues, entre complots et sérendipité, l’action fait un bond en avant. On perd un peu l’esprit pas de côté, onirique du début pour une intrigue plus solide qui sait où elle va. Le ton fonctionne parfaitement avec le trait et le traitement graphique proposé par Aseyn qui s’inspire du manga tout en gardant un trait tout à lui. Un dessin nourri à la culture japonaise qui a su trouver sa propre forme, ayant capturé as de références que les trentenaires-quarantenaires élevés au Club Dorothé connaissent bien. 

En proposant cet univers virtuel de conquête spatial couplé à la vie de joueurs dans notre monde, les auteurs jouent sur plusieurs tableaux. Ils arrivent à nous embarquer dans ce futur pas si lointain où le divertissement a pris le pas sur la réalité, où les enjeux économiques d’un jeu prennent des proportions qui dépassent les joueurs. La frontière entre le réel et le virtuel est de plus en plus mince et l’instinct de Marje, l’héroïne de cette saga, va remuer la boue sous le vernis féérique. Un épisode charnière pour la suite de la série.

Thomas Mourier

Aldobrando de Gipi et Luigi Critone, Casterman

Aldobrando de Gipi et Luigi Critone, Casterman

Gipi (La Terre des Fils, Ma Vie mal dessinée, Notes pour une histoire de guerre…) est indéniablement l’un des auteurs italiens les plus talentueux de sa génération. Graphiquement, déjà, mais aussi au niveau de ses histoires. C’est d’ailleurs la première fois qu’on peut le juger en tant que simple scénariste, car il s’agit là de sa toute première collaboration. Avec Luigi Critone (Je, François Villon) qui fait des merveilles au dessin (et les couleurs sublimes de Francesco Daniele et Claudia Palescandolo !), on découvre Aldobrando, un jeune orphelin confié par son père à un vieux sorcier. Nous le retrouverons plus tard, parti à la recherche d’une herbe médicinale pour sauver son père adoptif. Ingénu, probe au cœur pur, il se retrouvera impliqué dans l’histoire des grands de ce monde et aura un impact réel sur la grande Histoire.

Dans cette histoire qui emprunte autant au récit médiéval, qu’au roman d’apprentissage et au conte picaresque, il est question de chevalerie, royaume, pouvoir et d’amour. On se laisse porter par l’aventure qui prend un ton choral sans perdre son objectif de vue. Jusqu’à sa belle fin ne donnant qu’une seule envie : relire tout depuis le début.

Notez qu’il existe aussi une édition de luxe noir et blanc de cette bande dessinée. Cette édition limitée grand format propose les planches au lavis, un cahier graphique de 16 pages et un beau dos toilé… Mais si vous voulez notre avis, il serait vraiment regrettable de se priver de la somptueuse mise en couleurs de la version classique !

Rémi I.

2. Autour de la BD

Entretiens avec Lewis Trondheim de Thierry Groensteen, L’Association

Entretiens avec Lewis Trondheim de Thierry Groensteen, L’Association

Figure emblématique de la BD, Lewis Trondheim a plus de 180 livres au compteur. Auteur complet, scénariste et éditeur en charge de la collection Shampooing, rien ne l’arrête. Sacré Grand Prix du festival de la BD d’Angoulême dès 2006, il a également cofondé la maison d’édition L’Association, été à l’origine des Fauves et des 24 heures de la BD d’Angoulême.

Touche à tout, avant-gardiste, inspiré, il est toujours prêt à tenter plein de choses (il est par exemple en train de mener une BD collaborative à partir de sondages sur Twitter). Avec recul, mais sans se prendre trop au sérieux, il se prête au jeu de questions/réponses mené par Thierry Groensteen. C’est plein de révélations, d’informations captivantes et d’anecdotes croustillantes.

Fruit de 26 heures d’entretiens, cet ouvrage explore le parcours unique, riche et tentaculaire de Lewis Trondheim sous forme d’une longue discussion entrecoupée de témoignages éclairants de quelques-uns de ses amis et co-auteurs (parmi lesquels Joann, SfarMatthieu BonhommeAppolloBrigitte Findakly…). Accompagné de croquis, dessins, illustrations couleur et story-boards souvent inédits, ce livre dense et très instructif rend l’auteur encore plus attachant tout en donnant envie de (re)lire bon nombre de ses œuvres.

Rémi I.


Illustration principale : © Tillie Walden / Gallimard

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