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Incontournables
par Thomas Mourier - le 4/06/2017
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par Thomas Mourier - le 4/06/2017

Achille Talon n’a qu’un seul point faible : lui-même.

Si l’on parlait de dialogues à rallonges et de textes démesurés plus haut, avec Blake et Mortimer, que dire des joutes verbales de la famille Talon !

Achille Talon L'intégrale de Greg chez Dargaud

Les premières lectures font parfois l’effet d’un seau d’eau tant on est hypnotisé par les situations absurdes & les délires verbaux des personnages. Derrière le vernis “classique” de la série, se cache une œuvre qui ne ressemble à aucune autre. Les gags absurdes mais recherchés s’enchaînent dans une écriture au-delà de la caricature ou de la parodie.

Scénariste prolifique, dessinateur roublard, rédacteur en chef du Journal de Tintin, Greg est partout. Mais surtout il crée l’anti-héros par excellence, capable de disputer ce podium avec Gaston. La proximité avec André Franquin est grande puisque Greg est son élève, devenu son collaborateur sur Modeste et Pompon puis Spirou. Achille Talon peut être vu comme le miroir inversé du groom : on y vit le même type d’aventure mais avec des personnages dont le discours tourne en ridicule les attentes habituelles.
Il est conseillé de ne pas tout lire à la suite pour ne pas risquer l’overdose, l’humour reposant sur la répétition, l’exagération & la démesure.

Talon prend le pouvoir du journal Polite où il caricature la rédaction du journal Pilote (on a déjà parlé des ressemblances avec Gaston ?) En plus d’imbriquer ses collègues dans la bande, Talon se met à briser le 4ème mur et s’adresse parfois au lecteur. À l’image des planches intitulées « Il est gonflé » (dans L’indispensable Achille Talon) où sous forme d’une conférence, Talon démonte la case et coupe les bulles pour les réagencer. À la fois drôle et pertinent sur le médium et ses possibilités. On pourrait le comparer à Pierre Desproges, pour évoquer cette habileté à produire du discours au kilomètre, à faire des périphrases vides de sens mais très poétiques ou caustiques, à détourner les tics de langage et jouer sur tout ce vocabulaire auquel on ne fait habituellement pas attention. Hop.

Son style rond et très proche de l’école de Marcinelle (Jijé, Franquin, Morris, Roba…) lui permet de publier ses planches dans un journal pour la jeunesse même si son humour et son écriture touchent plus les adultes. Il se distingue également par ses inventions graphiques, son utilisation de la case et des dialogues et ses atmosphères légèrement surréalistes au cœur de cette esthétique. Un trait replet et léché qui lui permet une grande variété de gags visuels & de mettre en valeur le texte qui est au centre de l’œuvre.

À partir de 1976 et Le Mystère de l’Homme à Deux Têtes, Greg propose un scénario complet en place des gags qu’il réalise depuis 10 ans, l’univers et les personnages s’enrichissent d’une dimension romanesque tout en gardant leur humour et leurs défauts. La longue carrière de l’anti-héros sera faite de hauts et de bas, certains albums tiennent du génie, d’autres ont un scénario un peu décevant, mais on ne peut pas passer à côté de la série.

Après lui, plusieurs auteurs ont repris la série sans que cela soit détonnant, mais Fabcaro & Serge Carrère relancent le personnage dans Les impétueuses tribulations d’Achille Talon avec le parti pris de le moderniser.


Illustration principale : © Dargaud

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