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Incontournables
par Thomas Mourier - le 17/08/2017
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par Thomas Mourier - le 17/08/2017

Pogo de Walt Kelly

Le destin a voulu que Walt Kelly soit animateur chez Walt Disney, avant de créer son propre animal iconique. À la manière des habitants de Mickeyville, les créatures du marais d’Okefenokee allaient parler à tous les américains durant 25 ans.

Le destin a voulu que Walt Kelly soit animateur chez Walt Disney avant de créer lui-aussi un animal iconique, malin et débrouillard, Pogo l’opossum. À la manière des habitants de Mickeyville, les créatures du marais d’Okefenokee, en Géorgie allaient parler à tous les américains durant vingt-cinq ans. Divertissement familial, satires politiques, parodies et expériences poétiques, Pogo va concentrer toutes les formes de bande dessinée en un comics strip joyeux et inclassable.

Pogo de Walt Kelly, Akileos

Avec un trait rond, très cartoon et proche de ces studios Disney qu’il vient de quitter, Kelly invente un monde féerique rempli de problème. Grand amateur d’Alice au pays des merveilles ou peut être du Vent dans les saules, le vernis mignon des personnages et les paysages idylliques renferment un univers complexe fait de problèmes et de tensions, en miroir de la société américaine de l’époque. Économie, politique, faits de société, il n’hésite pas à lancer le débat dans le marais, quitte à s’imposer comme polémiste. Le dessinateur ne s’en cache pas, allant jusqu’à parodier et caricaturer les propos ou les figures d’Eisenhower, McCarthy, Fidel Castro ou encore Nixon et Hoover. Un jeu avec l’actualité qui lui pose quand même quelques problèmes entre surveillance du gouvernement et strips non publiés. Kelly avait alors une astuce, il dessinait des strips alternatifs pour les journaux qui ne voulaient pas de politique mais qui ne souhaitait pas arrêter la publication. Il concevait ce qu’il appelait des « bunny strips », des planches mettant en scène des lapins (bunny) pour marquer ce caractère inoffensif et les distinguer. Il suggérait ainsi aux lecteurs que si vous voyiez des lapins dans Pogo, le journal pensait à votre place.

L’opossum, notre héros, incarne l’intelligence et Kelly met tout en oeuvre pour faire réfléchir ses lecteurs. De même que Pogo était proche de Krazy kat dans sa manière de concevoir le rapport à la langue, à la poésie et aux chansons. Comme chez Herriman, Kelly jouait avec le langage, tordait les expressions, cherchait des patois et inventait des chansons. Avec beaucoup de style, le dessinateur maniait aussi bien les mots que les pinceaux, et les dialogues étaient également un plaisir visuel et novateur. Peu de poètes avaient une telle audience.

Il joue avec les typos, les titres, le graphisme des onomatopées, le texte et le dessin étaient très liées. Célèbre pour son dessin virtuose, pour ce trait rond qui croque parfaitement l’essence d’un caractère ou le mouvement d’un animal. Ses personnages ont la finesse et la grâce des productions Disney, un héritage assumé qui fait de Pogo, un des dessin les plus accessibles de l’époque, pour petits et grands. Rien n’est superflu, chaque détail compte dans cette mécanique du rire et du merveilleux.

Si l’humour est omniprésente, on n’éclate pas de rire à chaque page, Kelly installe ses gags sur plusieurs semaines, il installe son univers au fil des strips et il faut l’apprivoiser en lisant pour en saisir tout le sel. Un équilibre délicat qui a pu détourner plus d’un lecteur qui avait fait une lecture trop rapide. Walt Kelly pensait ses histoires avec plusieurs niveaux de lecture et même si les références à la politique des USA des années 50 nous échappent un peu, on suit avec plaisir les strips, avec un bonus quand on reconnait le personnage ou qu’on devine l’allusion.

Strip de référence pour plusieurs générations d’artistes qui y font directement référence, de Bill Watterson pour son Calvin et Hobbes, à Jim Henson et ses MuppetsJeff Smith et sa saga Bone (Lire l’incontournable)… et la liste est longue. Un premier volume de l’intégrale a été traduite en français mais la suite se fait attendre pour découvrir ce continent oublié.


Illustration principale : ©Walt Kelly / Akileos

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