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Incontournables
par Thomas Mourier - le 28/12/2016
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par Thomas Mourier - le 28/12/2016

Patience de Daniel Clowes

On critique souvent les adaptations ciné –NE NIEZ PAS– on le fait tous, mais pour une fois : j’ai vu le film avant de lire l’album et j’ai aimé les deux. On m’avait prêté le DVD (oui, à l’époque on se prêtait des DVD et internet n’était pas illimité) de Ghost world avec un de mes… Lire la Suite →

On critique souvent les adaptations ciné –NE NIEZ PAS– on le fait tous, mais pour une fois : j’ai vu le film avant de lire l’album et j’ai aimé les deux. On m’avait prêté le DVD (oui, à l’époque on se prêtait des DVD et internet n’était pas illimité) de Ghost world avec un de mes acteurs préférés Steve Buscemi (et une très jeune Scarlett Johansson, inconnue à l’époque). J’avais adoré.

Plus tard avec l’album en main, j’ai découvert le travail fascinant de Daniel Clowes… De David Boring à Eightball je me jetais sur tout ce qui existait en français avant d’attendre les sorties quasi simultanées de LLewellyn, Le Rayon de la mort, Wilson, et Mister Wonderful, en 2010–2011. Et puis, une longue attente de cinq ans pour la sortie de Patience cette année (je vous fais grâce des jeux de mots). Pour la première fois, il propose un récit d’un bloc, non pré-publié en épisodes comme tous ses livres précédents, et s’attaque à une histoire complexe et cyclique. Paradoxes temporels, réflexions sur le passé et les choix personnels ; Clowes cherche à embarquer son lecteur dans cette histoire d’amour à tiroirs. Une quête autour de ces moments où notre vie a basculé, un tourbillon de questions « et si je n’avais pas fait/dit ça… » : une obsession du doute où l’on réécrit sans cesse l’histoire dans sa tête.

Comme une galaxie étirée sur plusieurs décennies tout tourne autour de cet amour de jeunesse, Patience, qui se découvre enceinte au début du récit. À travers les yeux de Jack le lecteur est invité à épier, retenir et comprendre le monde de la jeune femme jusqu’au drame qui a ouvert cette croisade temporelle. La construction des planches épouse cette distorsion et explore de nouvelles formes ; laissant plus de place à un dessin qui devient de plus en plus noir et inquiétant malgré les couleurs rétro et pop de l’album. Deux silhouettes suffisent à lancer l’action et les portraits pleine page se multiplient ; un virage dans la carrière de l’auteur qui abandonne l’humour noir et le cynisme pour explorer plus profondément la trame essentielle de cette histoire d’amour qu’il rejoue depuis quelques albums.

« — Je peux vous aider ?
– Ouais, laisse-moi entrer.
– Pourquoi ?
– Parce que je viens du futur et que sinon je carboniserai tes gosses.
– Bonne réponse. »

Ses thèmes de prédilection (l’amour et la fascination, la difficulté de communiquer et l’aliénation) sont très présents dans cette nouvelle histoire qui semble faire la synthèse des questionnements intemporels de son auteur. Comme beaucoup d’œuvres d’une telle envergure, chaque relecture est une découverte. Tant narrativement, que graphiquement. En grand connaisseur de l’histoire de la bande-dessinée américaine (cet album multiplie les hommages à Kirby et Ditko), Daniel Clowes utilise de plus en plus ce type de dessin hommage qui s’intègre parfaitement à son propos tout en donnant sa vision des étapes clefs de l’histoire du comics –une pratique particulièrement accentuée depuis Mister Wonderful, son précédent livre (dont l’adaptation cinéma sort l’année prochaine).

Qu’ajouter de plus si ce n’est de lire tout Daniel Clowes ? Un des rares auteurs qui explore et travaille une ligne, creusant un sillon incroyablement dense et juste qui peut prétendre à nous faire regarder le monde autrement. Patience est justement une excellent porte d’entrée !

Images extraites de l’album © Daniel Clowes/ Cornelius

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