Illustration de l'article
Incontournables
par Thomas Mourier - le 16/11/2016
Partager :
par Thomas Mourier - le 16/11/2016

Ligue des gentlemen extraordinaires d’Alan Moore et Kevin O’Neill

Aujourd’hui on s’attaque à un gros morceau. Alan Moore. De très loin le scénariste que j’admire le plus autant pour ses travaux que pour ses prises de positions artistiques. Pas de compromis, il préfère renoncer à des millions de dollars de droits audiovisuels plutôt que de s’associer à des productions commerciales comme les adaptations en… Lire la Suite →

Aujourd’hui on s’attaque à un gros morceau. Alan Moore. De très loin le scénariste que j’admire le plus autant pour ses travaux que pour ses prises de positions artistiques. Pas de compromis, il préfère renoncer à des millions de dollars de droits audiovisuels plutôt que de s’associer à des productions commerciales comme les adaptations en film de La Ligue des gentlemen extraordinaires, From Hell ou V pour vendetta (je garde Watchmen un peu à part, parce que plutôt réussi par rapport aux autres.)

Également parce qu’il a annoncé il y a quelques jours vouloir arrêter les comics après avoir bouclé ses séries pour se concentrer sur le roman, le théâtre et la chanson pour ne pas tourner en rond, ni exploiter des filons qui appauvriraient ses propos. Bref le Mage de Northampton est un auteur de bande-dessinée assez atypique et l’essentiel de sa production tient du chef d’œuvre.

Si j’ai choisi d’aborder l’œuvre de cet auteur avec la Ligue des gentlemen extraordinaires, et pas Watchmen ou V pour vendetta qui sont plus populaires, c’est qu’il s’agit de sa dernière grande série encore en cours de publication. Avec Kevin O’Neill, le dessinateur de cette saga qui se décline en plusieurs cycles, ils explorent encore les univers de la Ligue. La série « classique » publiée en deux gros volumes qui offre l’arc narratif le plus fort et est construit sous forme de polar fantastique, installe les personnages dans un Londres steampunk très érudit. Au 19e siècle, la première équipe de méta-humains est engagée par le gouvernement britannique pour les sauver des périls paranormaux. Ces créatures, toutes issues de la littérature populaire anglo-saxonne et française, vont composer la première équipe de super-héros. Mycroft Holmes (frère du célèbre Sherlock) engage Mina Murray (ex-fiancée de Dracula) comme chef d’équipe surnommée « M » (et oui, James Bond n’est pas loin), le Capitaine Némo, l’aventurier Allan Quartermain, l’homme invisible et le Dr Jekyll/Hyde.

Ce premier cycle est suivi d’un one-shot hybride, le Dossier noir. Composé de strips, de nouvelles, d’une pièce « inédite » de Shakespeare, de faux extraits de pièces de théâtre, de chansons,… le Dossier ouvre de nouvelles perspectives sur cet univers et complète l’approche post-moderne de l’œuvre où la littérature est à l’honneur.

S’en suivront les séries Nemo et Century –encore en cours. Nemo s’attaque aux univers américains d’Edgar Allan Poe et de H.P. Lovecraft à travers le destin de la fille du Capitaine, Janni Dakkar. Century raconte l’histoire de la Ligue durant le 20e siècle, racontant les divers exploits des nouveaux membres, toujours sous le commandement de Mina Murray ; de James Bond à Harry Potter, tout y est. Moore continue de proposer ses histoires au cœur d’une chronologie pointue où apparaissent une foule de seconds rôles issues des littératures populaires.

« — Peut-être que vous avez rencontré pire que moi ? J’ai vu juste ?
– Oui
– Je m’en doutais. J’ai beau être un monstre, je ne suis pas idiot Mlle Murray. Je suis hideux, je sue la haine, je sais. Personne ne m’aime, tant pis. Je ne suis pas assez bête pour me croire amoureux de vous… Mais il n’y a que vous que je ne hais pas. Il n’y a que vous qui ne me détestez pas. Je… Veuillez me laisser seul à présent. Ouste, dégagez… Ou je vous brise la mâchoire. »

Côté graphique, le parti-pris est de faire un comics populaire et grand public malgré les thématiques sous-jacentes. Le trait de Kevin O’Neill tout en hachures et en angles droits donne un côté étrange aux personnages et son interprétation de ces grands mythes de la culture classique ouvre de nouvelles pistes à l’imagination.

Loin d’être le comics le plus populaire du maître, cette série permet néanmoins de comprendre mieux son univers et ses obsessions. Cela ne vous aura pas échappé, les scénarios de Moore sont souvent plus complexes qu’ils n’y paraissent, cachant un ordre secret de signes et de clins d’œil à tout un tas d’œuvres artistiques et de littératures magiques. Lisez Promethea pour la partie méta-textuelle et les références magiques, et la Ligue pour les références littéraires. Malgré la multiplicité des références et les séries parallèles, ce comics est conçu pour être lu comme un feuilleton d’aventure et propose une lecture à plusieurs niveaux dont le premier est bien sûr le plaisir de suivre ces personnages dans des intrigues d’espionnage old school. Lisez La Ligue des gentlemen extraordinaires, vous ne regarderez plus les vieux classiques de la bibliothèque du même œil.

Images extraites de l’album ©Alan Moore et Kevin O’Neill /Panini ; Alan Moore & Kevin O’Neill /Delcourt

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail