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par Cleoopineapple - le 28/07/2020
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par Cleoopineapple - le 28/07/2020

Romans graphiques : sélection d’été

Ce mois-ci, nouveau partenariat avec Cleoopineapple qui vous propose 5 romans graphiques qui ont marqué ce début d’année, une belle sélection pour passer l’été en bonne compagnie.

Voici ma sélection de 5 BD à lire cet été, il y en a pour tous les goûts : vous allez découvrir des histoires en milieu urbain ou à la campagne, en noir et blanc ou en couleur, sous la forme de polar ou de tranches de vie douce-amère…
Ces titres ont tous une chose en commun : ils nous font voyager dans un univers bien particulier, et ils se lisent d’une seule traite de la première à la dernière page. Coup de cœur pour certains, très belle découverte pour d’autres, ces œuvres m’ont toutes marquée d’une manière singulière, tant par la force de leur récit que par la beauté de leurs dessins ! J’espère que ces bande dessinées vous plairont !

Sommaire 

🔸 Vent Mauvais de Cati Baur, Rue de Sèvres
🔸 Flipette et Vénère de Lucrèce Andreae, Delcourt
🔸 Quatorze juillet de Bastien Vivès & Martin Quenehen, Casterman
🔸 C’est comme ça que je disparais de Mirion Malle, La ville brûle
🔸 Saison des roses de Chloé Wary, Éditions Flblb


Vent Mauvais de Cati Baur, Rue de Sèvres 

Vent Mauvais de Cati Baur, Rue de Sèvres

On fait la connaissance de Béranger, Bébert pour les intimes, un parisien quadragénaire avec huit kilos en trop et ses deux filles qu’il garde en alternance avec son ex-femme : Violette accro à son portable et Lison, une jeune fille rayonnante de 15 ans fan de lecture. 

Béranger est passionné par les éoliennes qu’il peut observer de près depuis sa maison : il aime leur mouvement, le rythme régulier des pales ; il trouve leur présence réconfortante et apaisante, tel un pilier indispensable à sa concentration. Mais tous les habitants ne sont pas du même avis : «Ça rend fou ces machins », le bruit lancinant en exaspère plus d’un, allant jusqu’à provoquer des pathologies neurologiques chez certains…

On observe une montée crescendo de la tension dramatique au fil des saisons : rivalités, conflits d’intérêts, et violence sont de la partie. Paradoxalement, les dessins aux couleurs douces donnent au récit une dimension intimiste et attachante. On ressent une grande tendresse dans la narration.  Entre « Mid-life crisis » et dépression, une succession de contrariétés et de déconvenues mènera Béranger au bord de la névrose. Une lente descente aux enfers, mais jusqu’où ?

Un roman graphique saisissant, bouleversant, d’une vérité touchante, aux nombreux contrastes : l’autrice y traite très justement de l’adolescence, de la différence et de son acceptation ; elle aborde aussi les thèmes du couple et de l’engagement, de la réalisation professionnelle, de la paternité… Cette magnifique lecture ne vous laissera pas indemne ! C’est une pépite 💛

Flipette et Vénère de Lucrèce Andreae, Delcourt

Flipette et Vénère de Lucrèce Andreae, Delcourt

Ayant craqué pour cette BD juste pour sa couverture et son style graphique, j’ai été agréablement surprise d’y découvrir le portrait vrai et touchant de deux sœurs que tout oppose : Clara est une jeune photographe rêveuse en quête d’un sens à son travail et à sa vie. Elle s’attache à capter l’âme des personnes à travers son objectif.

Un peu craintive, elle ne s’investit pas vraiment dans les questions politiques et sociétales, trop anxiogènes pour elle.

Aux antipodes de sa sœur, Axelle est une militante radicale qui apporte son soutien aux SDF et aux migrants au sein de l’association « la pieuvre », avec une rage difficilement contenue. Vénère. Elle a coupé les ponts avec sa famille pour s’installer à Paris.  Les retrouvailles entre les deux vont créer un tourbillon de disputes, d’interrogations et de remises en cause… 

Au fil de plus de 300 pages, on se laisse totalement embarquer dans ce face à face hors du commun : une artiste en devenir et un groupe hétérogène et joyeux de contestataires de tous poils (philosophe punk, bourgeois rebelles et dépressifs chroniques). On vit à leurs côtés leurs combats, leurs drames, leur quotidien et leur joie. Cette BD soulève aussi des problématiques actuelles et des questions existentielles : Doit-on justifier la violence comme réponse à des actes eux-mêmes violents ? L’art n’est-il pas un effort vain alors que la planète meurt et que ses habitants se déchirent ? 

Le graphisme est sublime : des couleurs pop, du jaune, du bleu, du rouge créent un jeu de lumière dingue et hyper innovant ! On est subjugué du début à la fin par le trait fin et précis de l’autrice ! Une réflexion passionnante sur le militantisme et l’engagement : une merveille à découvrir 💛

Quatorze Juillet de Bastien Vivès & Martin Quenehen, Casterman

Quatorze Juillet de Bastien Vivès & Martin Quenehen, Casterman

Dans le Vercors, Jimmy Girard, ambitieux et volontaire, vient d’être affecté au poste du village de Roissan-en-Isère. Vincent Louyot, aux yeux de chien battu, est un artiste peintre parisien qui a des airs de Michel Houellebecq. Encore traumatisé par le décès de son épouse, il est venu dans le sud pour donner un nouveau souffle à son inspiration artistique, et faire son deuil.

Sa fille, Lisa, une ado aussi mutique qu’énigmatique, aspire quant à elle à profiter de sa jeunesse dans ce cadre idyllique. Une curieuse famille abîmée par la vie..

L’alternance entre des cases bucoliques, douces et tranquilles, et des labyrinthes de béton ou s’entremêlent des voix, des ombres, crée à merveille une atmosphère anxiogène, une ambiance étouffante… Peut-on être bourreau et victime ?

Jimmy cherche la grande mission, la grande action qui fera de lui un héros national.  Il dit vouloir sauver « les civils sans défense face à la menace terroriste », une lubie qui va lui porter préjudice… Car à trop désirer la catastrophe, elle va finir par se retourner contre lui. Comme si ses efforts provoquaient au final les événements tragiques auquels le lecteur assiste…

«- Monsieur… Il y a mes empreintes sur cette bombe. Il faudrait que je retourne la chercher. – Écoutez Vincent, le mieux c’est que vous restiez ici au calme. Laissez-moi m’en charger.« 

Une aventure estivale traumatisante, un drame social aux teintes sombres, aux confrontations violentes. Une lente descente vers un enfer qui malheureusement nous entoure déjà… Bastien Vivès nous livre ici son premier polar, troublant, qui a été pour moi une claque visuelle et narrative !  L’enchaînement des événements nous tient en haleine, à la fois intriguant et passionnant…

Ses personnages complexes et duels, son intrigue dense, captivante, et décrivant avec intelligence les mécanismes de la violence ordinaire : tout est parfait dans ce Quatorze Juillet ! 💛

C’est comme ça que je disparais de Mirion Malle, La ville brûle

C’est comme ça que je disparais de Mirion Malle, La ville brûle

Quelle claque cette BD ! C’est un superbe récit déchirant de beauté et de tristesse, sur les affres de la dépression, qui en décortique avec délicatesse les mécanismes complexes…

Première BD de fiction de Mirion Malle, elle nous offre ici une tranche de vie douce-amère ; et cette vie c’est celle de Clara, une jeune poétesse installée à Montréal, qui travaille comme attachée de presse à mi-temps.

« Je suis vide, je ne ressens rien, juste du vide. Avoir le cœur brisé me manque. Être triste me manque. En ce moment, tout est juste trop vide et trop plein en même temps. »

Page après page, elle va sombrer dans une sorte de léthargie, perdant peu à peu le goût d’exister, ne parvenant plus à avoir d’émotions positives, se renfermant de plus en plus sur elle-même…

« Je n’ai aucune arme.
Aucune arme pour ma justice.
Aucune arme pour aider les autres femmes.
Je voudrais être légère et insouciante. 
Je voudrais avoir le droit de ne pas lutter constamment. »

Son trait noir reconnaissable entre mille est si expressif, il dégage toute une atmosphère d’émotions ! On le sent réfléchi et maîtrisé, oscillant entre le réalisme et l’expressionnisme : par moments Clara incarne littéralement ce trouble qui la ronge, ses traits sont déformés, son visage disparaît, elle n’a plus d’yeux, ni de nez, ni de bouche… Comme un masque pour la protéger du monde qui l’entoure.

Entre l’errance médicale, les questionnements, l’incompréhension de l’entourage, l’abandon et le découragement, Mirion Malle aborde avec douceur et pudeur les thèmes de la santé mentale et de la dépression. « Dans ce livre je voulais parler du tabou qui entoure cette maladie, cette difficulté d’en parler. » Un véritable coup de foudre pour cette BD hors du commun, que je vous recommande chaudement 💛

Saison des roses de Chloé Wary, Éditions Flblb

Saison des roses de Chloé Wary, Éditions Flblb

Les Roses de Rosigny c’est le nom de l’équipe féminine de Rosigny-sur-Seine, ville imaginaire de la banlieue parisienne. Les filles visent la qualification pour le championnat national. Cette génération talentueuse, la toute première promise à monter en National, doit beaucoup au talent de son capitaine Barbara.

Mais on apprend vite que les subventions sont réduites et que le club n’a pas les moyens d’inscrire deux équipes au championnat.. Sa directrice, sans concertation, décide de privilégier les garçons et de demander le forfait pour les Roses de Rosigny.

En plus du bac en fin d’année, d’une opposition quotidienne avec sa mère résignée qui baisse les bras faces aux catastrophes qui lui arrivent, et d’une relation compliquée avec son petit ami capitaine de l’équipe masculine du quartier, Barbara doit faire face à cette injustice.. reprendre les choses en main, remotiver ses coéquipières et trouver elle-même les subventions nécessaires à la survie de son équipe.

« – On nous prend pas au sérieux nous les meufs. Des fois je me dis que ce serait plus simple si j’avais des couilles. 
– C’est pour ça que tu t’habilles comme un mec. 
– Arrête on dirait ma mère ! 
– T’façon même en talons tu serais pas plus féminine… 
– Une gazelle, ça court pas en talons. »

Chloé Wary place ici l’émancipation féminine au centre d’un terrain de foot de banlieue. Et c’est génial ! Cette BD féministe dévoile le superbe portrait d’une jeune fille d’aujourd’hui dont la personnalité se construit face au mur : elle est forte, sauvage, talentueuse, motivée; elle veut contrôler son destin. C’est une soif farouche d’indépendance et de reconnaissance.

Mais surtout le graphisme est à couper le souffle ! Tout le talent de Chloé Wary se dévoile dans les pages de matchs et d’entraînement sans dialogue : la fluidité de l’action, les enchaînements, les cadrages.. c’est sublime. Le coloriage au feutre ne se retrouve dans aucune autre BD, il apporte un côté très pop et énergique que j’ai beaucoup aimé. 

J’ai aussi adoré les dernières pages, on y découvre le plus beau dénouement possible.. une fin qui apporte au lecteur la certitude que la vie prend tout son sens quand on ne renonce jamais à suivre ses rêves.  Selon moi, ce roman graphique est une éclatante réussite; que vous aimiez ou non le foot, s’il vous plaît lisez, offrez, feuilletez, admirez cette pépite, vous ne pourrez être qu’enthousiasmés 💛


✏️ Rédactrice invitée : Cléophée C.
Découvrir sa page instagram où elle partage ses coups de coeur ici.
Ou jeter un oeil sur sa collection de bandes dessinées.


Image principale © Lucrèce Andreae / Delcourt

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